Aider autrui nous rends plus heureux
Vous êtes docteur en psychiatrie et avez exercé à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Pour traiter les troubles anxieux et dépressifs, vous avez commencé à utiliser la méditation dont vous êtes un fervent défenseur.
Comment avez-vous découvert la méditation ?
Par expérience personnelle, lors d’une retraite dans un monastère bénédictin, à la suite de la mort accidentelle de mon meilleur ami alors que j’étais étudiant. C’est une forme de méditation chrétienne, nommée oraison silencieuse. Puis grâce à un autre ami, Matthieu Ricard, j’ai découvert l’univers des méditations bouddhistes. Et je me suis formé ensuite avec Jon Kabat-Zinn et Zindel Segal, les pionniers des méditations thérapeutiques laïques que nous avons été les premiers à les proposer en France, dans un service universitaire à Sainte-Anne, en 2004.
Comment en décririez-vous les fruits ?
Comment expliquez-vous son succès aujourd’hui dans nos sociétés modernes ?
Les études montrent que la pratique régulière de la méditation a des conséquences favorables sur le stress, l’anxiété, les rechutes dépressives, ainsi que sur la concentration et l’équilibre émotionnel. Le succès de la méditation dans nos sociétés est un marqueur intéressant : il survient à une époque où nous sommes soumis à de nombreuses sollicitations attentionnelles, par les écrans notamment, qui perturbent nos capacités de concentration et de réflexion approfondie, et notre liberté intérieure, car ils nous rendent dépendants.
Sans entrer dans les caricatures, que révèle ce succès de la méditation sur les soifs de nos contemporains et sur le monde dans lequel nous vivons ?
Ce succès révèle que nous sommes en train de prendre conscience de nos erreurs et de nos servitudes nouvelles ! La méditation nous aide à aller à contre-courant des tendances de notre époque : accélération, matérialisme, superficialité. En méditant, on s’offre des temps de lenteur, de calme, de continuité ; on va à la rencontre de soi-même, au lieu de se fuir ou de se méconnaître ; on cultive la profondeur, au lieu de se perdre dans la dispersion.
L’approche spirituelle du bouddhisme a énormément théorisé et développé la méditation. Selon vous comment cette spiritualité a-t-elle enrichie les pratiques de méditation et inversement ?
Le bouddhisme est la pratique spirituelle qui a le plus exploré non seulement la méditation mais plus globalement le fonctionnement de notre esprit, qui s’est attaché à répondre à des questions telles que : pourquoi n’arrivons-nous pas à écarter certaines de nos pensées préoccupantes ? à calmer nos émotions douloureuses ? à tenir nos résolutions ? La réponse est qu’il faut pour cela accorder du temps à notre esprit, s’entraîner à l’explorer, observer son activité, parfois le pacifier et parfois le stimuler, parfois le contraindre et parfois le libérer. C’est pour cela que la méditation est souvent désignée comme un « entraînement de l’esprit », et le bouddhisme propose de nombreux exercices en ce sens.
Le Bouddha est-il un exemple d’une vie réussie enrichie par la méditation ?
C’est le moins qu’on puisse dire ! Il est un maître par l’enseignement et surtout par l’exemple. La méditation est au cœur de son enseignement, dans un sens très large, qui dépasse la seule gestion du stress, le seul apaisement de l’esprit. Elle doit aussi nous amener au discernement, sur nous-mêmes et sur le monde, et à une remise en question perpétuelle et féconde.
La méditation est-elle une panacée contemporaine, une spiritualité ou bien davantage un état d’esprit, voire une philosophie ?
Tout cela à la fois ! Elle est souvent perçue comme une panacée, ce qu’elle n’est pas : juste une aide précieuse mais à la condition d’une pratique régulière. Elle est aussi une forme de spiritualité, puisque la spiritualité est l’attention que l’on prête à la vie de son esprit, notamment face à tout ce que notre seule raison ne peut résoudre (la vie, la mort, l’infini…). Elle est également un état d’esprit, qui consiste à s’accorder régulièrement des temps de non-action, de présence à soi et au monde. Et une philosophie de vie, enfin, dans ses formes avancées, la méditation se propose de nous aider à cultiver bienveillance, ouverture, empathie, compassion…
Vous avez commencé votre carrière d’auteur en écrivant beaucoup sur les peurs, la timidité, les phobies ou le stress et la dépression. Aujourd’hui, vous parlez davantage de bonheur, de liberté, de sérénité, d’estime de soi ou de vie intérieure. N’est-ce qu’une révolution sémantique, les deux facettes d’une même pièce, ou un bouleversement plus profond ?
C’est une simple logique dans l’évolution de ma pratique médicale : au début, je ne faisais que soigner mes patients, c’est-à-dire que je ne les rencontrais et ne m’occupais d’eux qu’une fois qu’ils étaient tombés malades ; j’utilisais alors les thérapies comportementales et cognitives. Puis peu à peu, je me suis demandé comment les aider à ne pas tomber ou retomber malades, et j’ai commencé à faire ce qu’on appelle de la « prévention de la rechute ». C’est là que j’ai élargi mes interventions et que j’ai commencé à les faire travailler sur l’estime de soi, la psychologie positive, la méditation…
Dans votre pratique de la médecine, vous avez fait le pari de parler de la joie et du bonheur et d’avoir une approche positive avec les personnes les plus fragiles. Qu’est-ce qui vous a conduit sur ce chemin ?
C’est la conviction que je ne faisais que la moitié du travail, en me contentant d’aider les patients à sortir de leurs troubles anxieux ou dépressifs. Il fallait que je les aide aussi à conduire différemment leur existence : en savourant davantage leurs moments heureux, en regardant leurs difficultés en face, au lieu de les fuir ou de se raconter des histoires. Paul Claudel écrivait : « Le bonheur n’est pas le but mais le moyen de la vie ». Le bonheur n’est pas un luxe mais une nécessité ! Car seules les émotions positives nous donnent l’énergie et la résilience indispensables pour traverser les aléas de l’existence.
Cette fragilité que vous côtoyez quotidiennement en tant que médecin, que vous apprend-t-elle ?
Que personne n’est à l’abri ! Qu’il est inutile de vouloir la supprimer : fragiles nous sommes, fragiles nous resterons. Mais il s’agit simplement d’en faire une richesse (la fragilité nous ouvre au monde et aux autres) et non une servitude (se surprotéger pour essayer de ne pas souffrir).
L’ONG Enfant du Mékong est une œuvre solidaire qui met en relation des parrains en France et des enfants en Asie du Sud-Est pour qu’ils puissent aller à l’école et sortir de la pauvreté. Vous avez écrit que pour s’occuper des autres, il faut être heureux. Qu’est-ce que cela signifie ? Le bonheur doit-il précéder la solidarité ou bien la solidarité permet-elle le bonheur ?
En réalité, on peut s’occuper d’autrui même si on est malheureux ; mais notre bonheur personnel nous donnera plus d’énergie à apporter du bonheur aux autres, à les aider, notamment dans la durée, et nous aurons moins tendance au découragement. Et puis, les études ont confirmé le cercle vertueux que vous décrivez : aider autrui nous rend plus heureux, et être heureux nous donne l’envie et l’énergie d’aider autrui. En matière d’altruisme, notre esprit est bien fait !
J’ai remarqué qu’il vous arrive régulièrement de citer des attitudes de l’enfance dans vos chroniques. Est-ce à dire que les enfants sont nos maitres ? Y a-t-il des vertus de l’enfance qu’il est urgent de revaloriser ?
Les enfants ont beaucoup à nous apprendre : sincérité, curiosité, enthousiasme… Ils nous offrent régulièrement des leçons de sagesse, d’autant plus touchantes qu’elles ne sont pas présentées comme des leçons. Vous connaissez la boutade : « les grands maîtres ne savent ni qu’ils sont maîtres ni qu’ils sont grands ». Ils s’en fichent, tout simplement !
Dans la période morose actuelle liée à la COVID, avez-vous un message particulier que vous souhaitez faire passer à nos lecteurs ?
C’est le même message que sans la COVID ! Soyez aussi heureux et généreux que possible, c’est bon pour la santé et l’immunité ! Et, face au danger, écoutez votre peur sans lui obéir : c’est ce qu’on appelle la prudence !
Vous aussi ayez le bonheur d'aider un enfant !
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En parrainant, vous permettez la scolarisation des enfants des villages autour de la ville de Nakhon Phanom en Thaïlande.
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