Survivre et servir, le destin de Linthy
Né au cœur des bouleversements qui ont refaçonné le Laos durant la seconde partie du XXe siècle, Linthy Seneyavong a survécu au pire. Faute […]
L’histoire d’Enfants du Mékong commence comme un conte de fées. « Il était une fois … » un dentiste de Vientiane recueille sur le pas de sa porte deux enfants qui vivent dans la rue. Ils ont faim et ne peuvent pas aller à l’école. Convaincu « qu’il y a plus de joie à voir un enfant à l’école que dans la rue », René Péchard décide d’accueillir ces enfants et les place dans un internat à Xiang Khouang : le pensionnat Saint-Joseph. Peu après, approchent la fin de l’année et la fête de Noël. Voulant venir en aide au foyer de ses pupilles, René Péchard lance un appel aux fabricants français de couvertures. Dans un élan de générosité, ceux-ci décident de faire un don de 100 francs en plus des couvertures envoyées à monsieur Péchard. L’association des amis du pensionnat de Saint-Joseph naît de la nécessité de créer une structure pour encaisser ce don. Après plusieurs étapes, l’association deviendra « Enfants du Mékong » en 1977.
Dentiste français à Vientiane, René Péchard fonde en 1958 l’Association des amis du pensionnat Saint-Joseph, devenue Association pour la protection de l’enfance du Laos (Appel). Son but : aider les orphelins. Des appels au parrainage, notamment aux chirurgiens-dentistes français, permettent d’attribuer aux enfants une « bourse scolaire », ainsi qu’une « bourse d’entretien » pour les plus pauvres.
En 1964, l’association ouvre un premier foyer à Vientiane, puis d’autres qui accueillent Laotiens, Vietnamiens et Eurasiens, orphelins ou jeunes issus de familles très pauvres. Certains sont envoyés en France pour y étudier et logent dans des familles d’accueil.
En 1968, René Péchard fonde l’Association pour la protection de l’enfance – France (Appel France, devenue Aspel). Elle permet de structurer le système du parrainage : les parrains peuvent aider les enfants au Laos en leur offrant une bourse ou accueillir un jeune venu étudier en France.
La guerre éclate au Laos, au Cambodge et au Vietnam, et René Péchard doit abandonner les foyers de Vientiane en août 1975. Dans les camps de Thaïlande où déferlent les réfugiés, les besoins sont immenses. C’est là que le système du parrainage se généralise. Il permet aux enfants d’acheter vêtements et matériel scolaire. Les premières constructions d’écoles voient aussi le jour, ainsi que le soutien aux initiatives locales en Thaïlande. Un système toujours d’actualité pour Enfants du Mékong.
Pour répondre au besoin des réfugiés qui affluent en France, René Péchard ouvre un foyer, installé à Valence en 1977. La même année, Aspel devient Enfants du Mékong.
Pour poursuivre l’œuvre de René Péchard (décédé en 1988) et pour accompagner le retour des réfugiés dans leur pays, l’association ouvre en 1990 les premiers programmes de parrainage scolaire au Vietnam et au Cambodge. C’est le début du parrainage tel qu’il existe aujourd’hui.
Les premières « missions Bambous » sont lancées. Leur but : mettre des jeunes entre 21 et 35 ans au service des populations pauvres du Sud-Est asiatique.
Après les ravages du tsunami du 26 décembre 2004 sur les côtes d’Asie du Sud-Est, Enfants du Mékong participe au secours des populations touchées et à la reconstruction, forte du soutien de milliers de donateurs. L’association fait partie du « Collectif Asie Enfants Isolés ». Bientôt, le nombre de nouveaux parrains dépasse ce qui peut être mis en place par une ONG non urgentiste, et leur générosité se déplace vers des milliers d’enfants du Laos, du Cambodge, des Philippines et du Vietnam. Au total, 5 100 nouveaux filleuls seront parrainés dans 119 nouveaux programmes de parrainage à travers l’Asie du Sud-Est.
En mars 2008 s’ouvre le premier programme de parrainage dans un district de l’extrême Nord-Ouest du Yunnan, aux confins tibéto-birmans
À l’occasion de l’anniversaire de sa fondation, Enfants du Mékong fête « 50 ans d’espérance parrainée » et rassemble à l’Unesco de multiples acteurs du don pour réfléchir ensemble à ce moteur fondamental de notre monde : « Le don, ressource illimitée de l’humanité ».
Le 8 novembre 2013, un des typhons les plus violents de l’histoire touchait les Philippines. Des vents de 300 km/h et des vagues de 3 à 5 mètres, ont balayé en quelques heures des milliers de frêles habitations et provoqué le déplacement de millions de personnes. Très rapidement, Enfants du Mékong a travaillé à la reconstruction. Grâce à nos donateurs et notre maillage local, nous avons déjà pu aider près de 2100 familles, sur 30 sites particulièrement touchés par ce drame. 3 volontaires dédiés ont œuvré à ces projets.
A l’occasion de ses 60 ans, Enfants du Mékong s’est lancé dans une aventure extraordinaire : tourner le film Grandir. L’objectif de ce film est de faire découvrir le quotidien et les rêves de six enfants de six pays d’Asie du Sud-Est et sensibiliser le plus grand nombre à la cause de ces enfants et à la chance qu’est l’éducation. De grands talents ont rejoint l’aventure : la réalisatrice Jill Coulon, le couple de musiciens Yaël Naïm et David Donatien, la société de productions Aloest.
Je m’appelle sœur Latsamy. J’ai 38 ans et je suis responsable du foyer Nazareth depuis plus de trois ans. J’ai souvent entendu le nom EdM prononcé par les sœurs de la Charité. Elles aiment beaucoup prononcer ce beau nom. Un jour j’ai demandé : « qu’est-ce que cela veut dire EdM ? » Une de mes consoeurs qui collaborait avec EdM m’a expliqué : « C’est Enfants du Mékong : une association qui soutient les enfants pauvres mais motivés qui veulent aller à l’école et désirent un avenir meilleur ». Parmi mes consœurs (les premières à avoir collaboré avec EdM au Laos à partir de 1958), certains ont bien connu monsieur Péchard. Sœur Blandine qui vit avec moi depuis deux ans m’a dit un jour : « C’était un très bon médecin. Il aimait les enfants et en a aidé beaucoup en son temps ». J’éprouve beaucoup de joie à collaborer avec Enfants du Mékong. J’ai cru au début que c’était une association qui offrait uniquement un soutien financier mais je sais aujourd’hui que c’est beaucoup plus que cela : Enfants du Mékong porte réellement le souci de l’éducation des enfants et des jeunes. Notre grande joie c’est de voir nos jeunes s’épanouir et faire des progrès chaque année. Ensemble, nous poursuivons notre chemin afin d’accompagner nos jeunes pour vivre dans notre société ! »
Sœur Latsamy
« Enfants du Mékong pour moi c’est avant tout une histoire de famille. Mes frères étaient en pension au foyer de Vientiane à l’époque où l’association s’appelait ASPEL (fondée en 1958 par René Péchard). Nous vivions au Laos, le lycée de notre ville n’allait pas plus loin que la classe de première. Pour continuer les études et passer le bac, il fallait aller à la capitale. Mes parents ont ensuite continué à soutenir l’œuvre de René Péchard jusqu’en 1972 l’année où nous avons quitté le Laos. En 1984, nous avons repris contact avec René Péchard au moment où l’association s’est installée à Asnières. Mes sœurs et moi avions participé en tant que bénévoles à quelques tâches administratives et techniques. Par la suite, en 1985 à la demande de monsieur Péchard, j’ai accepté de travailler pour Enfants du Mékong où je suis restée jusqu’en 2011. Nous n’étions au départ que 10 permanents. Entre nous, nous nous comprenions parfois même sans avoir besoin de parler. Tout était à faire mais nous étions tous là pour les enfants. J’en avais vu tant en Asie qui devaient travailler dans des conditions très pénibles pour survivre, parfois dans les décharges, que j’étais heureuse de pouvoir me mettre ainsi à leur service pour les aider à aller à l’école. Tant d’enfants n’auraient pas pu aller à l’école ou continuer leurs études sans leurs parrains ou marraines et Enfants du Mékong !»
Julie Gervais
« Parmi les plus pauvres, c’était aux réfugiés que René Péchard s’était donné, et plus particulièrement ceux du Sud-Est asiatique, les enfants du Mékong. Ils étaient son chemin à lui, son chemin vers Dieu. Il ressentait leur angoisse et sa solitude à lui. Il était tourné vers eux, comme tendu vers eux. Et il marchait avec eux.
C’était un homme pour les autres. Un homme d’une très grande bonté. Bonté qu’il cachait (mais la cachait-il vraiment ?) sous une grande pudeur, sous une timidité qui le rendait parfois un peu gauche, un peu gêné, mais qui se trahissait à travers son magnifique sourire, un sourire si chaud et si réconfortant que les enfants du Mékong qu’il a tant aimés et pour qui il a donné tout ce qu’il avait et tout ce qu’il était, ne sont pas prêts à oublier. »
Extrait d’un article publié dans Enfants du Mékong Magazine n°43, janvier-mars 1989.
« La chance d’Enfants du Mékong est d’avoir une âme, donnée par son fondateur. Humble et discret, il a aidé des enfants, puis mobilisé des parrains, puis rencontré des correspondants et soutenu leurs merveilleux projets par des parrainages, en même temps qu’il mobilisait des délégations en France. En 1990, nous avons ajouté un maillon à cette chaîne : les Bambous. Chaîne de confiance unie par une seule préoccupation : le développement des enfants d’Asie. Depuis 30 ans, mon bonheur est de voir chaque maillon faire grandir cette chaîne, et de voir Enfants du Mékong garder son âme. »
Gérard Duquesne
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Il y a 30 ans, le 3 octobre 1988, après une énième conférence pour intéresser de nouvelles familles françaises au destin des enfants réfugiés […]
Lors d’un dernier voyage en Thaïlande en 1985, René Péchard, que tous appelaient affectueusement « Tonton », sentant ses forces décliner, avait enregistré une cassette retrouvée plus tard dans un tiroir de son bureau. Ce passage publié quelques années plus tard, à sa mort, a pris la valeur d’un testament. Entre les lignes, se dessine la vision du fondateur d’Enfants du Mékong. Une vision qui perdure aujourd’hui, trente ans après sa mort.
« […] Ceci est le passé, voyons l’avenir. Née au Laos, Enfants du Mékong doit continuer à aider les enfants du Mékong sans distinction. Si l’on suit le cours du fleuve, la tâche est immense. Nos efforts doivent se porter d’abord, comme depuis 1975, sur les réfugies de ce qui fut l’Indochine française. Ce programme est loin d’être terminé, mais un jour, il le sera. Nous avons commencé à aider des enfants de Thaïlande. Cette action est une expérience qu’il faut poursuivre, car si le touriste voit en Thaïlande tout le beau côté brillant de la médaille, il n’en voit pas l’envers. Il ne voit pas ces orphelins, pas toujours absolument pauvres, mais dont les plus brillants ne peuvent continuer des études faute de moyens. Certes, si l’on prend la charge des enfants pauvres que nous trouverons, il faudra demander aux parents un effort, minime peut-être, mais un effort, ne serait-ce que de 1 000 bahts sur les 15 000 à 20 000 que peut coûter l’entretien, l’instruction, l’éducation de ces enfants.
Je n’exclus pas l’aide aux enfants laotiens, cambodgiens, vietnamiens, dans leurs pays, quand la situation le permettra.
En plus de l’aide directe, des actions spécifiques (écoles orphelinats) doivent être envisagées comme nous l’avons fait jusqu’à ce jour dans les camps de réfugiés.
Je verrai au cours de ce voyage, un collège sur la frontière khmère. Je proposerai une aide, mais je demanderai que le français soit enseigné comme langue étrangère. Laos, Vietnam, Cambodge, furent pendant un siècle des pays francophone et doivent le rester. Quant à la Thaïlande, pays anglophone, le français est enseigné dans certaines écoles. Il faut aider cet enseignement pour une meilleure compréhension entre nos deux pays et choisir pour nos pupilles des écoles où notre langue est enseignée.
Tonton, Korath, le 8 janvier 1985
*Article initialement publié dans le numéro 42 d’Enfants du Mékong Magazine d’Octobre, Novembre, décembre 1988.
Si l’on suit le cours du fleuve, la tâche est immense.
« Parce que nous avons cru à l’amour, parce qu’au cœur des détresses les plus radicales, nous n’avons jamais lâché la main de la « petite fille Espérance », chère à Péguy, nos intuitions ont été contagieuses… Vous évoquez ce qui pourrait être mon « secret ». En fait, mon secret d’amour est devenu le secret de milliers d’amis. Ils sont autant et sans doute plus que moi les Enfants du Mékong. Ce sont eux qui m’ont inoculé l’espoir dans les nuits d’angoisse et de grande fatigue. C’est leur courrier enthousiaste, leurs découvertes émerveillées du bonheur qui naît de la solidarité, qui m’ont fait aller de l’avant. »
*Extrait du livre « Les Enfants du Mékong, interview de René Péchard par JC Darrigaud, Edition Fayard.