Nathalie N’Guyen : Ambassadrice de la cuisine d’Asie
« Je suis une petite nénette qui cuisine et qui aime ça ! » Assise dans le fond de la salle d’un restaurant, Nathalie confesse qu’elle aime la coriandre d’amour et refait pour nous l’histoire de ses origines. « Mes parents sont Vietnamiens, ils sont arrivés en France avec ma sœur en 1985, en pleine crise des réfugiés boat people et ont attendu d’être définitivement installés en France avant d’avoir une dernière fille : c’était moi ! »
L'exil
En 1975, le grand-père de Nathalie était Préfet de Saïgon et a été fusillé par le pouvoir communiste au moment de la réunification.
grand-père fusillé.
Mon père est à gauche.
La famille entière tente de fuir pour éviter de subir le même sort. Seuls les parents de Nathalie, Hong Thaï et Thi Kim Uyen, parviendront à quitter le pays. Ils prévoient de gagner l’Australie mais changent d’avis à la dernière minute et partent pour la France. Les autres, les oncles et tantes de Nathalie, seront tous rattrapés et envoyés en camps de rééducation, ces prisons idéologiques où l’on croyait aux vertus patriotiques des travaux forcés. « Je n’ai en fait que très peu d’informations sur cette époque. Mes parents en parlent un peu – à chaque fois avec beaucoup d’émotions – mais c’est surtout ma sœur, Tram, alors âgée de 7 ans, qui m’a raconté ses souvenirs. » La petite fille de l’époque se souvient avoir fui en bateau cachée sous un tas de jeunes pousses de riz pour gagner Singapour, première étape de leur exil.
Un goût extraordinaire de liberté
Autre souvenir de Tram : le goût d’une pomme verte goûtée à l’arrivée à Singapour après 5 jours sans boire ni manger… Un goût extraordinaire de liberté. Ces récits ont bercé l’imaginaire de la jeune Nathalie. « Je suis profondément admirative du courage de mes parents. Ils ont vécu des épreuves que notre génération n’imagine même pas. J’ai la chance d’être l’héritière de tout cela : je ne serais pas là s’ils n’avaient pas eu la force de traverser ces épreuves. »
Arrivée en France
Arrivés à Bondy, la famille se fixe dans l’Essonne. Les parents font des ménages, les enfants vont à l’école. À 50 ans, Hong Thaï, le père de Nathalie qui avait abandonné des études de médecine pour fuir le Vietnam, s’inscrit en BTS climatisation. Le soir, après le lycée, Nathalie traduit pour son père les cours qu’il a enregistrés durant la journée. « J’ai grandi avec la pression de cette histoire et la responsabilité de soutenir ma famille en France et au Vietnam !
Succès culinaire
Très tôt j’ai su que je voudrais être cuisinière mais aux yeux de ma famille : la cuisine n’est pas un métier ! » Nathalie, consciente que ses choix n’engagent pas qu’elle, choisit donc une filière plus prestigieuse. Elle se lance dans des études d’audiovisuel tout en vivant sa passion (pour la citronnelle notamment) à travers un blog culinaire. « Et puis un jour, TF1 frappe à la porte : je reçois un mail me proposant de participer à MasterChef [une émission culinaire qui met en com- pétition des cuisiniers amateurs, ndlr]. » Nathalie passe les sélections en secret jusqu’au jour où ses parents la découvrent en direct. « C’est là, en me voyant à la télévision, qu’ils ont accepté mon choix. Il faut dire que la télévision est très importante dans la culture asiatique. »
Grâce au succès de l’émission, Nathalie, réussit enfin à vivre de sa passion pour la cuisine et commence à subvenir aux besoins de ses parents et du reste de sa famille au Vietnam. « Dans notre culture, quand on fait des enfants, on attend qu’ils prennent le relais et qu’un jour ce soient eux qui s’occupent de leurs parents et des oncles et tantes qui en ont besoin. Il fallait que je sois à la hauteur de ces attentes ! » Pour parfaire son parcours, la demi-finaliste de MasterChef, auto- didacte en cuisine, malgré son succès grandissant, décide de faire ses gammes comme il faut et s’inscrit à un double CAP cuisine et pâtisserie en cours du soir. Forte de cette nouvelle célébrité et de ses solides bases académiques, Nathalie passe de projets en pro- jets, crée des cartes et des recettes à la demande, fait du conseil, voyage… Mais au bout de 8 ans à ce rythme, vient l’envie de poser ses valises et c’est Pitaya, une chaîne de restauration rapide inspirée de la cuisine de rue asiatique qui va lui permettre de réaliser son rêve. : « Mes oncles et tantes paternels travaillent tous dans des restaurants ambulants sur les marchés au Vietnam. Chaque été, depuis que j’ai 4 ans, je jouais à la dînette dans ces restaurants. Je connais parfaitement l’esprit de la street food vietnamienne. »
« La cuisine, c'est nourrir les autres »
Plus important encore, ce nouveau travail de chef exécutif permet à Nathalie de renouer avec le plaisir authentique de la cuisine : le partage. « La cuisine, c’est nourrir les autres. Très vite je me suis rendu compte que la cuisine de palace où on est enfermé entre quatre murs et où l’on ne voit jamais les clients n’était pas faite pour moi. Je me sens beaucoup plus proche de cet esprit de la cuisine de rue où le plat est fait dans la minute pour toi en fonction de tes goûts. »
Cette vision conviviale de la cuisine est même, selon Nathalie, dans l’ADN de la cuisine de rue telle qu’elle est pratiquée en Asie : « Chacun y vit avec trois générations réunies sous un même toit. Souvent les maisons sont étriquées et se tenir tous dans la cuisine est impensable. C’est beaucoup plus facile de se retrouver pour les repas sur le trottoir d’en face ! Voilà d’où vient la street food asiatique. C’est très pragmatique. »
Un plat emblématique dans tout cela ? Nathalie semble réfléchir avant de disparaître en cuisine :
« Je pourrais dire le Pho, la version vietnamienne du « Pot au feu », mais je n’aime que celui de ma maman » souligne-t-elle dans un rire joyeux. Chez Nathalie, la cuisine et la famille ne font qu’un !
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