En Birmanie, une famille extra large vivant au rythme des dons pour accueillir 30 orphelins
Sainu, une mère de famille atypique
Sainu aime se décrire comme mère de famille atypique de 32 enfants. Puis elle précise avec malice que 30 d’entre eux ont été adoptés.
Doit-on pour autant parler d’orphelinat à propos de la grande maison de Sainu ? Ce n’est pas l’impression que donne le climat familial qui y règne. Sainu et son mari ne sont pas des tuteurs mais des parents. Le bon fonctionnement du foyer ne tient pas tant à une répartition stricte des tâches ménagères qu’à une sincère entraide au sein de la famille. “Ils ne sont pas frères et sœurs, mais ils ne se battent jamais entre eux. Ils sont vraiment géniaux mes enfants, tu sais !” glisse avec fierté cette maman hors du commun.
Douce et d’humeur égale, profondément heureuse et compatissante, Sainu ne semble jamais débordée malgré sa santé fragile : “Mes genoux me font très mal, mais tant que je peux marcher lentement, ça va !”. Son charisme naturel aidé par le fond serviable et obéissant des Birmans suffit à ordonner tout ce petit monde sans jamais élever la voix.
Chaque matin, les enfants se lavent, s’habillent et rangent les nattes et couvertures pour que le dortoir redevienne une salle de séjour. Les aînés aident les plus jeunes, certains cuisinent et douchent les plus petits, chacun lave son linge et l’étend, d’autres aident leur père à nourrir les poules et les cochons, à couper du bois pour la cuisine, à aller chercher de l’eau à la réserve, à améliorer chaque année le jardin et la grande maison construite en banlieue de Yangon, à Shwepyitar.
« Ils ne sont pas frères et sœurs, mais ils ne se battent jamais entre eux. Ils sont vraiment géniaux mes enfants, tu sais ! »
L'appel de la mission pour Sainu, issue d'un village du nord de l'Etat Shin
Sainu a grandi au sein d’une famille qui vivait d’élevage comme la plupart des villageois du nord de l’État Shin. C’est un État montagnard au réseau routier peu développé, beaucoup de villages ne sont accessibles qu’à pied sur une longue distance et le sien ne faisait pas exception. Son lycée était à 24 heures de marche et Sainu ne rentrait que pour les grandes vacances. Ses parents sont animistes : ils vouent un culte aux esprits de la nature.
Un jour cependant, Sainu rencontre un pasteur et est touchée par le Dieu dont il parle. Elle se sent appelée non seulement à le suivre mais à une mission, sans savoir laquelle : « Mes parents ne voulaient pas que je sois baptisée. Je leur ai souvent demandé mais, à la fin, j’ai dû me passer de leur permission même si je les aime et les respecte. »
Son lycée terminé, Sainu fait part à ses parents de son désir de suivre des études bibliques en Inde. Ils auraient préféré la garder à leurs côtés à la ferme mais ils s’inclinent. « J’ai dépensé tout mon argent pour acheter mon billet pour l’Inde et je n’ai rien mangé pendant les trois jours du voyage. Enfin arrivée à Bangalore, Sainu trouve refuge dans une famille indienne qui accepte de la nourrir et de la loger contre services. Elle vivra en Inde huit ans sans jamais rentrer chez elle, faute d’argent.
Jongler entre services chez l’habitant et études lui demande beaucoup de courage. Tous les matins, elle se lève à 4h pour préparer le petit déjeuner et les lunch box de chaque membre de la famille, puis ranger la cuisine et la maison avant de pouvoir partir pour l’université vers 8h, après avoir rapidement avalé une assiette de riz. La soirée se déroule à l’identique, et cela pendant toutes ses années d’études.
Pendant les vacances, Sainu travaille dans une famille coréenne afin de mettre un peu d’argent de côté pour l’année suivante. Mais cela ne suffit pas à payer ses frais de scolarité. Touché par le courage de cette frêle jeune femme dont il connaît la situation précaire et la réussite académique en dépit des circonstances, le chef d’établissement accepte de lui faire crédit.
Finalement un pasteur coréen, ami de la famille qui l’emploie, la voit à l’œuvre durant l’été et la prend en pitié. Il lui offre sa première année d’études. L’année suivante, un chrétien birman qui vit aux Etats-Unis depuis quelques années décide de payer les frais d’études bibliques de tous les étudiants qui n’en ont pas les moyens. Une autre fois, ce sera au tour de la femme du couple chez qui elle travaille qui va à la même université que Sainu et prend conscience de la situation dans laquelle elle vit. « Le miracle se reproduisait chaque année et je pouvais, grâce à cela, continuer mes études ! »
Pendant ce long séjour en Inde, elle acquiert une maîtrise parfaite de l’anglais et se fait de nombreux amis qui, plus tard, continueront à lui écrire et à la soutenir financièrement. Ce n’est que le début de ses combats.
Désir d'accueil
Une fois rentrée en Birmanie, Sainu s’installe à Yangon à proximité d’une communauté baptiste, Assembly of God, à laquelle elle appartient. C’est là qu’elle rencontre son futur mari, jeune pasteur qui se trouve avoir, comme elle, le désir d’accueillir des orphelins sans vraiment savoir comment cela se fera. Tous deux vont se marier puis travailler pour la communauté pendant une dizaine d’années avant d’avoir leur aînée, une ravissante jeune fille âgée aujourd’hui de 12 ans.
Un jour, alors que leur fille a tout juste un an, deux enfants se précipitent chez Sainu à genoux en pleurant à ses pieds pour lui demander de les prendre chez elle. Leur projet d’accueillir des enfants commence à se savoir. Un moine bouddhiste lui avait déjà parlé du mauvais traitement que subissaient ces deux garçons. Sainu est prise de pitié, les relève et les nourrit mais ne sait pas comment agir. Finalement, avec son mari, ils prennent à deux la décision de rencontrer le moine bouddhiste et surtout la famille pour laquelle ces deux enfants de la tribu Wa travaillaient.
Ils découvrent qu’ils étaient traités comme des esclaves : « Chaque jour, ils devaient porter, à deux dans les escaliers, la grand-mère impotente et incontinente et lavaient ses draps tous les jours. »
C’est comme cela que l’œuvre de charité de Sainu et son mari débuta. Il y a 9 ans elle accueillait ces deux premiers enfants, elle en accueille maintenant trente qui s’ajoutent aux deux siens, car ils ont eu la joie d’avoir un garçon qui a maintenant sept ans.
Projets d'avenir pour le foyer
Pendant cette dizaine d’années il a fallu trouver un moyen de nourrir toute cette grande famille et les 60 euros que son mari gagnait comme pasteur, ainsi que les 30 euros qu’ils recevaient tous les mois d’une ONG, servaient tout juste à couvrir la location de leur maison. Finalement son mari partira en Corée travailler trois ans sans revenir, en tant que Pasteur. Il repartira ensuite pour deux ans avant de rentrer définitivement car son visa n’est plus renouvelable.
C’est à cette période, il y a tout juste deux ans que Sainu fera la rencontre d’une volontaire Bambou à Rangoun. Depuis, Enfants du Mékong parraine une quinzaine de ses enfants. C’est un soulagement immense pour eux : ainsi son mari peut rester aux côtés de sa femme. C’est l’homme le plus dévoué que l’on puisse trouver, d’une gentillesse sans limite. « Mon mari sait tout faire ! C’est lui qui recoud les vêtements des enfants quand ils les trouent ou qui répare la maison. Je bénis le Ciel de l’avoir à mes côtés. »
En ce moment, c’est leur maison qui occupe toute son attention. Après 5 années de recherches d’un terrain à bâtir, c’est finalement le propriétaire de leur maison qui a accepté de la leur vendre ainsi que le terrain. Ils peuvent enfin mettre en œuvre leur projet de construire de nouveaux dortoirs pour améliorer les conditions de vie des enfants. Jusqu’à présent, une partie d’entre eux dormaient dans le couloir, faute de place.
Parmi les aînés, trois étudient maintenant à Yangon et ne rentrent que de temps en temps pour prendre des nouvelles de leur famille adoptive. Le vide de leur départ a rapidement été comblé. En avril 2019, Sainu a accueilli deux autres enfants de l’ethnie Wa qui sont frères et sœurs. Les Wa sont un peuple guerrier et Sainu en fait parfois les frais : « Ils passent leur vie à se battre ! » glisse-t-elle un peu lasse mais bienveillante.
Elle et son mari doivent aussi constamment trouver des solutions pour nourrir tous les enfants. Leur projet ne tient que grâce aux dons privés inattendus qui viennent les sortir à chaque fois in extremis de situations désespérées : “Un jour où nous n’avions plus de riz, notre voisin est arrivé avec un don de riz. Ce fut la même chose avec les cahiers des enfants. Nous prions sans cesse et Dieu nous entend.” Mais le premier miracle est peut-être d’avoir mis sur la route de ces enfants ce couple solide et édifiant qui consacre chaque jour à son rêve : relever ces enfants en leur rendant leur dignité et en leur donnant l’amour d’un père, d’une mère et d’une fratrie.
Si comme Sainu, vous souhaitez aider de jeunes birmans à aller à l'école :
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