Des volontaires racontent leur Birmanie, mosaïque ethnique
La Birmanie, une mosaïque de 135 ethnies
La Birmanie est une mosaïque de 135 ethnies. Ces peuples, revendiquent chacun un dialecte, des croyances et des traditions différentes. On distingue ainsi les Kachins, Shans, Chins, Karens, Môns… des Bamars, ethnie majoritaire du pays.
L’histoire du pays a été marquée par les conflits et la méfiance latente entre l’armée birmane et les ethnies minoritaires d’une part, et entre les différentes ethnies d’autre part.
Dès la Seconde Guerre mondiale, les alliances stratégiques, divergentes entre le gouvernement et certaines d’entre elles, ont accentué les clivages déjà présents lors de la colonisation britannique. En 1945, le Général Aung San, père d’Aung San Suu Kyi et dirigeant nationaliste birman, entame des négociations avec les groupes armés ethniques qui déboucheront sur les Accords de Panglong en 1947. Un premier pas vers une union birmane, néanmoins avortée : le Général Aung San est assassiné quelques mois plus tard, ce qui provoque l’annulation des Accords de Panglong et le début de guérillas entre les groupes ethniques et le gouvernement birman.
En 1962, une junte militaire prend le pouvoir et accentue la domination Bamar sur les minorités ethniques jusqu’en 2011. Les révoltes sont matées, le contrôle total. Face à cette supériorité militaire et politique, certains groupes ethniques signent des cessez-le-feu, d’autres décident de soutenir le mouvement démocratique d’Aung San Suu Kyi. Aujourd’hui, le paysage ethnique birman est toujours morcelé. Les Bamar des plaines centrales et les ethnies minoritaires, réparties davantage dans les zones frontalières, cohabitent plus ou moins bien.
Une fierté d'appartenance très ancrée
S’il y a bien une chose qui frappe lorsque l’on est aux côtés des Birmans, c’est leur fierté d’appartenir à leur ethnie. Une jeune femme Shan ne portera pas le même longi (jupe longue traditionnelle) qu’une Karen, tout comme les écoliers Kachin n’iront pas à l’école avec le même sac que les écoliers Akha. On pourrait croire justement qu’à l’école, le birman, langue officielle, les rassemble et efface les différences mais dans les faits, les dialectes l’emportent et dans la cour de récréation, les enfants continuent de parler leur langue maternelle. Chez eux aussi le birman est une langue étrangère. Certains jeunes parlent si mal la langue officielle, que cela constitue un vrai frein à leur éducation.
Au-delà de l’aspect purement scolaire, des groupes interethniques peuvent se former et engendrer des rivalités. Pour y faire face, certains responsables de structures éducatives obligent les enfants à parler birman entre eux. L’enjeu : les aider à s’intégrer, améliorer leurs perspectives d’avenir et encourager la mixité, leur transmettre l’envie d’aller vers l’autre et d’apprendre à le connaître.
A l’inverse, certains responsables ont à cœur de préserver l’héritage culturel et le patrimoine traditionnel de leur ethnie. C’est le cas d’un responsable de foyer qui accueille une vingtaine de jeunes filles de l’ethnie Lisu : « C’est important qu’elles continuent à parler le dialecte Lisu entre elles, qu’elles apprennent les chants et les danses traditionnelles, qu’elles connaissent leur histoire. C’est à nous, que revient la responsabilité de préserver notre identité. »
Un rapport au pouvoir contrasté
Ce clivage entre unité nationale et diversité ethnique est particulièrement marqué dans les opinions politiques et le rapport qu’ont les populations avec le pouvoir en place.
Dans le Nord du pays, chez les Shans et les Kachins, la défiance envers la Tatmandaw, l’armée birmane, est palpable.
Guerres civiles, drogues, déplacements de populations, corruption… Dans ces deux états la situation humanitaire et économique est très difficile, particulièrement à l’est de l’Etat Shan, porte d’entrée du Triangle d’Or près de la frontière thaïlandaise. Les habitants sont très prudents lorsqu’ils parlent du pouvoir birman : les visages se ferment, les voix baissent. “Le gouvernement contrôle tout, même la presse. La seule chose que l’on peut croire dans le journal, c’est la date du jour,” nous raconte un responsable de communauté.
Cette défiance est telle qu’elle est nourrie et transmise de génération en génération. “Plus tard, je serai soldat de la KIA (Kachin Independance Army, ndlr), Pour tuer du Birman”, affirme un jeune garçon, sans ciller. Nous sommes à Myitkyina, capitale de l’État Kachin, un des états qui compte le plus de camps de réfugiés et de déplacés internes dans le pays, conséquences directes des conflits civils. Ici, on boycotte les visites de la Chancelière, Aung San Suu Kyi, que l’on considère comme une marionnette du pouvoir destinée à amadouer l’Occident.
La défiance est bien moins prononcée dans l’État Chin, zone montagneuse et isolée à l’ouest de la Birmanie. Contrairement à leurs voisins du Nord, les Chins ne possèdent pas de sols gorgés de richesses (minerais dans l’État Kachin, opium dans l’État Shan). De ce fait, l’État Chin a longtemps été délaissé des gouvernements, et est aujourd’hui l’état le moins développé du pays. L’isolement des villages et le morcellement ethnique n’ont jamais permis aux Chins de faire front ensemble contre l’oppression de la majorité Bamar.
Le désintérêt des autorités à leur égard a engendré une indifférence de l’ethnie pour les jeux de pouvoir. Cependant, les Chins nourrissent toujours l’espoir que la politique d’Aung San Suu Kyi, en odeur de sainteté dans cette région montagneuse, leur permette de se développer. Aujourd’hui, 70 % de ce peuple oublié vit en-dessous du seuil de pauvreté.
Une certaine méfiance à l’égard des indépendantistes ethniques
Rien que dans l’État Shan, on compte une dizaine d’ethnies différentes, chacune revendiquant des territoires, contrôlant des trafics. Dans les camps de déplacés et les villages, on ne cherche plus à savoir d’où proviennent les bombes. C’est le conflit en lui-même qui est blâmé, d’autant que chaque famille doit fournir un enfant soldat, peu importe l’âge. Alors, des pères de famille se portent volontaires pour éviter que leurs fils soient enrôlés et des foyers hébergent des jeunes pour les soustraire aux groupes armés.
Cette méfiance puise également sa source dans les rapports qu’entretiennent les groupes rebelles avec la Tatmandaw, où l’ambiguïté règne encore. “L’armée se vante de saisies impressionnantes de drogue, invite la presse. Mais cette drogue, c’est l’armée qui est la première à en bénéficier ! ”, s’offusque un jeune Ahka.
Dans l’État Chin, il arrive souvent que les groupes ethniques aient la mainmise sur l’électricité et l’eau d’un village. Parfois, les rapports avec la population sont cordiaux et les responsables de ces groupes passent dans les foyers de jeunes, font des dons de riz. Mais parfois, les groupes se retournent contre leur propre population. Ainsi des membres du Front des Etudiants Chins, opposés au gouvernement, ont fait irruption dans les villages, se servant dans les provisions des foyers, ordonnant à des villageois de porter leurs affaires et n’hésitant pas à les abattre si ils refusaient d’obtempérer.
Un avenir rempli d’incertitudes
Malgré les réalités de vie différentes, il est une chose que ces ethnies ont en commun : un avenir empli de doutes. Dans les populations des zones entachées par les conflits ethniques depuis des décennies, très peu croient en une possible paix : les multiples cessez-le-feu du passé se sont soldés par des échecs. Certains gardent espoir mais savent que rien ne changera tant que les esprits n’évolueront pas. “Il ne faut plus réfléchir en tant qu’ethnies mais en tant que nation. ”, affirme un président d’ONG issu de la minorité Kachin, entre résignation et espoir. “Il faut aussi en finir avec la haine envers les militaires. Ils ne sont que des pions manipulés”.
Parmi les jeunes Birmans, qu’ils soient Chin, Kachin ou Shan, certains arrêtent l’école très tôt pour aller aider leurs parents aux champs. D’autres prennent les armes pour rejoindre leurs aînés dans les affrontements ethniques. Dans l’espoir de ramener de l’argent à leur famille, certains sont prêts à risquer leur vie dans les mines d’extraction de minerais précieux. D’autres, enfin, tentent le tout pour le tout en partant à l’étranger où, devenus souvent réfugiés, ils travaillent dans des usines ou des plantations, pour un salaire quelque peu supérieur à ce qu’ils gagneraient en Birmanie.
Si vous souhaitez aider de jeunes Birmans à continuer à aller à l'école :
Parrainer les jeunes filles des villages Chin en Birmanie
L’objectif de ce programme est de lutter contre la déscolarisation des jeunes filles des Chin Hills et des alentours de Kalay, région reculée au nord-ouest de la Birmanie. Les écoles étant fermées dans leurs villages, le parrainage leur permet d’intégrer le foyer St Joseph, où elles peuvent poursuivre leur scolarité !
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