Des nouvelles du Centre de Yangon en pleine pandémie

Maÿlis, notre volontaire Bambou en Birmanie, nous donne quelques nouvelles des foyers de Yangon et des jeunes en cette période un peu spéciale.

La situation en Birmanie

Bien que le nombre de personnes atteintes du Covid-19 semble assez restreint en Birmanie, le gouvernement a pris des mesures dès mi-Mars (annulation de manifestations publiques, fermeture des frontières, confinement, fermetures des écoles et universités ainsi que de nombreux lieux publics, …).

Ainsi, l’ensemble des écoles et universités du pays, publiques comme privées, ont fermé en attendant de voir comment la situation évoluait. Difficile d’y voir clair quant aux chiffres et aux informations communiqués par les autorités birmanes. La désinformation reste un problème majeur en Birmanie. Le climat est d’autant plus anxiogène que les birmans ont du mal à faire la part des choses entre les « fake news » et les informations « sérieuses ».

Jusqu’en Août, la situation est restée plutôt stable. Certaines écoles privées ont même ré-ouvert au compte-gouttes courant Juillet. Quant aux mesures de confinement, elles ont été assez évolutives, en fonction des zones géographiques identifiées « à risque ». Cependant une seconde vague, mi-août, a entrainé de nouvelles mesures de confinement; notamment pour certains quartiers de Yangon début Septembre et à l’échelle de l’Etat Rakhine, où le nombre de cas aurait beaucoup augmenté ces dernières semaines.

En parallèle de la situation sanitaire, la Birmanie doit évidemment faire face aux conséquences économiques de cette crise dues à l’arrêt quasi complet du tourisme, à la baisse d’activité de nombreuses entreprises et aux ralentissements des échanges commerciaux avec les pays frontaliers. Beaucoup de birmans sont des travailleurs « journaliers » et gagnent au jour le jour de quoi vivre et faire vivre leur famille. Nombreux sont ceux, également, qui partaient travailler en Chine, en Thaïlande ou en Malaisie parfois en traversant simplement la frontière sur la journée. C’est le cas de nombreuses familles des filleuls vivant au foyer. C’est pourquoi Enfants du Mékong a mis en place une aide afin de distribuer de la nourriture aux familles les plus touchées.

Aloysius – grand fan de football – avec son équipe de football lors de son confinement, dans son ancienne boarding house, située dans l’état Chin.
Aloysius présente son beau maillot de foot !

Vos filleuls et les foyers de Yangon

Elisabeth, Tinzar Phyo, Sony, Esther Thui Lang, Patricia, Twe Twe Mya, Regina et Esther Nuk Chyit qui fêtent l’anniversaire de Thinzar phyo, début Août, à Yangon, dans le foyer des filles d’Enfants du Mékong
Elisabeth, Tinzar Phyo, Sony, Esther Thui Lang, Patricia, Twe Twe Mya, Regina et Esther Nuk Chyit qui fêtent l’anniversaire de Thinzar phyo, début Août, à Yangon, dans le foyer des filles d’Enfants du Mékong

 

Twe Twe Mya, restée au foyer depuis fin mars, a aménagé la salle informatique du foyer des filles afin de pouvoir travailler en télétravail pour la cabinet d’avocat dans lequel elle est en formation.
Twe Twe Mya, restée au foyer depuis fin mars, a aménagé la salle informatique du foyer des filles afin de pouvoir travailler en télétravail pour la cabinet d’avocat dans lequel elle est en formation.

Concernant les filleuls du foyer et leurs familles, ils semblent tous être en bonne santé; même si, évidemment, la situation a accentué les difficultés des populations les plus défavorisées dans tout le pays. Heureusement, ils sont nombreux à avoir pu assurer leur alimentation quotidienne grâce à leur travail agricole.

En ce qui concerne les foyers de Yangon, nous avons pris la décision de les fermer fin Mars, suite à la fermeture des écoles et universités. Seules quelques jeunes filles sont restées avec Regina, notre travailleuse sociale birmane, qui vit toute l’année au foyer dans l’immeuble des filles. L’appartement des garçons a été complétement fermé. Les quatre étudiantes restées au foyer font partie des quelques élèves qui travaillent en parallèle de leurs études. La plupart des entreprises de Yangon ont pris des mesures tels que le télétravail ou la réduction du temps de travail de leurs salariés mais n’ont pas stoppé leurs activités. Ainsi, ces étudiantes ont pu continuer à travailler.

En ce qui concerne les autres étudiants, ils sont rentrés chez eux, dans leur famille, ou sont repartis dans leurs anciennes boarding house où ils sont souvent accueillis comme chez eux. Enfants du Mékong est en lien et soutient une partie de ces boarding house, qui sont souvent tenues par des prêtres ou des religieuses et grâce auxquelles beaucoup de nos étudiants ont pu suivre leur scolarité, avant de venir faire leurs études à Yangon.

Durant la période du confinement, nos étudiants étaient donc, pour la majorité, chez eux. La plupart ont aidé leurs parents ou les prêtres/religieux/religieuses en charge de leur boarding house dans leur travail quotidien. Certains ont donc repris le chemin des champs et des rizières. Les plus motivés ont continué à travailler leur anglais par le biais d’exercices en ligne et d’outils proposés sur internet. Ceux qui disposaient d’ordinateur dans leur boarding house ont pu continuer à pratiquer un peu l’informatique, mais cela reste une minorité. D’autres ont fait du sport ou se sont occupés de leurs neveux et nièces/frères et sœurs pendant que leurs parents travaillaient dans les rizières.

Certains m’ont régulièrement fait part de leur ennui, tandis que d’autres ont été extrêmement occupés par les travaux agricoles. Pour certains, cette période a rimé avec une grande oisiveté et un temps d’utilisation de leur portable qui a considérablement augmenté. Difficile également de ne pas craindre un « décrochage » de certains jeunes quant à leurs études, face à cette situation qui s’éternise. C’est pourquoi nous essayons, au maximum, de garder un lien avec eux et de les encourager à suivre des cours en ligne lorsque cela est possible.

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Pour le moment, il est difficile de dresser un bilan de cette période car les activités des jeunes et la manière dont ils l’ont vécu dépendent beaucoup de l’endroit où ils étaient et de la manière dont cela a été géré dans leur famille, leur village ou leur boarding house. Par ailleurs, la situation s’éternise et ne s’améliore pas en Birmanie. C’est pourquoi beaucoup de jeunes sont encore chez eux, depuis Mars, et n’ont pas forcément accès à des cours en ligne même si nous essayons au maximum de faciliter et d’encourager leur mise en place. Ce n’est pas toujours facile car, d’une part toutes les écoles ne le proposent pas et d’autre part, tous nos étudiants n’ont pas accès à Internet. Certains vivent en effet dans des zones très reculées.

En Juillet, la situation s’étant améliorée et certaines écoles ayant ré-ouvert, nous avions encouragé les jeunes à revenir à Yangon afin d’y reprendre leurs études. Quasiment la moitié de nos étudiants (une vingtaine) a pu reprendre des cours et revenir habiter aux foyers. Malheureusement, les écoles ont refermé leurs portes fin Août, suite aux nouvelles mesures prises par le gouvernement face à l’apparition de nouveaux cas de Covid-19. La plupart de ces écoles ont mis en place des cours en ligne que la vingtaine d’étudiants revenus à Yangon suit en ligne; tandis que nous essayons de trouver des solutions pour que la vingtaine d’étudiants vivant toujours chez eux puissent avoir accès à des cours en ligne également.

 

Gabriel, rentré chez lui, dans l’état Chin depuis fin mars, a aidé sa famille. Il garde sa nièce.
Gabriel, rentré chez lui, dans l’état Chin depuis fin mars, a aidé sa famille. Il travaille dans les rizières de son village avec les autres villageois.
John Bosco et son petit frère lors de son séjour chez son oncle en Juin (en périphéries de Yangon) après avoir été confiné dans son ancienne boarding house, à Maubin.

Malheureusement, leur cours en ligne ne les occupent que quelques heures par jour et il est difficile de réguler le temps qu’ils passent devant les écrans. Surtout qu’ils sont confinés et n’ont quasiment pas le droit de sortir. Regina, qui vit avec les filles, récupère leurs portables le soir, après le temps d’étude, ce qui limite un peu leur utilisation, mais les filles passent néanmoins leur journée devant leur portable. Quant aux garçons, il est encore plus difficile de réguler leur utilisation car ils n’ont pas de boarding master qui vive avec eux. L’utilisation du portable, qui est déjà une question épineuse en temps normal, l’est d’autant plus aujourd’hui au vu des cours qui sont suivis en ligne et du peu de sorties, d’activités et de stimulations.

Depuis la fermeture des foyers et mon départ de Birmanie pour Bangkok fin Mars, où j’ai été confiné 3 mois avec d’autres volontaires, j’essaie de garder un lien régulier avec mes étudiants et avec Regina qui assure la gestion quotidienne des foyers pour les étudiants qui y sont présents. Elle vit avec les filles, passe de temps en temps chez les garçons et assure, entre autre, la distribution des parrainages aux filleuls présents à Yangon. Pour ma part, j’essaie de prendre des nouvelles de chacun et de maintenir aussi du lien entre eux. J’échange surtout par messages sur Internet avec eux et il m’arrive d’en avoir quelques-uns au téléphone. Par ailleurs, j’ai mis en place un appel vidéo hebdomadaire avec les étudiants restés au foyer afin de discuter de leur vie quotidienne, de leurs études, de la situation et de continuer d’échanger régulièrement. Durant le confinement, en Mai, nous avions également réalisé une petite vidéo sur la musique « My Love » de Westlife, que les étudiants chantent souvent en s’accompagnant de leurs guitares. Vous pouvez visionner cette vidéo ici 🙂

Pour le moment, il est très difficile d’anticiper quoi que ce soit pour les prochains mois. Nous avons demandé aux étudiants rentrés à Yangon cet été d’y rester le temps de terminer leur trimestre par le biais des cours en ligne. La plupart devraient terminer fin Octobre/début Novembre. Ensuite, nous espérons que nous aurons plus de visibilité quant à la réouverture des écoles et que la vie au foyer pourra progressivement reprendre son cours dans les prochains mois ! »

Maÿlis, volontaire Bambou en Birmanie

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Anne Monmoton
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