Point sur la situation en Birmanie – Avril 2024

Les hostilités s’intensifient fortement en Birmanie

Camp de réfugié dans l’état Kayah

La guerre civile s’intensifie en Birmanie, gagnant progressivement l’ensemble des régions de la partie nord et la partie sud. Les offensives d’envergure de milices locales dans le nord-est de l’état shan et les attaques violentes de l’armée birmane dans l’état kayah, l’état karen et l’état kachin tout récemment témoignent de cette intensification des combats. Aujourd’hui on peut dire que le pays est coupé en deux entre la zone centrale et les grands villes contrôlées (encore) par le gouvernement central et le reste du territoire contrôlé par les milices ethniques et la population civile ayant pris les armes et se battant conjointement. Sans les raids aériens perpétrés par les militaires, il se dit que l’armée birmane serait déjà défaite sur le terrain. A ce jour le conflit a entraîné le déplacement de 2,6 millions de personnes à l’intérieur et près de 100 000 personnes dans les pays limitrophes notamment la Thaïlande.

Les équipes d’Enfants du Mékong ont pu aller à la rencontre de ces réfugiés birmans qui ont tout perdu et se retrouvent à devoir survivre de l’autre côté de la frontière.

RÉFUGIÉS BIRMANS, À L’ÉCOLE DE L’ESPOIR

ET NOS PROGRAMMES DE PARRAINAGE ?

Une douzaine de nos programmes de parrainage ont été touchés par les récents combats (foyers fermés, déplacements de populations, maisons brulées). Difficile de croire que certains foyers visités par le siège quelques mois auparavant sont aujourd’hui évacués et ont été investis par les militaires… Tous les enfants et les responsables locaux concernés sont aujourd’hui en sécurité dans des camps de déplacés ou des zones plus reculées. La résilience, le courage et le dévouement de nos responsables locaux pour les jeunes qu’ils accueillent malgré ces situations nous en impose chaque jour davantage. Malgré les fuites à répétition, les espoirs déçus et les contingences politiques, ils n’en finissent pas de trouver des solutions pour rebondir et mieux aider ceux à qui ils ont consacré leur vie.

Service militaire obligatoire pour les jeunes

Un groupe de collégiens dans une école informelle

Le 10 février 2024, les autorités Birmanes ont annoncé l’entrée en vigueur d’une loi datant de 2010, portant sur le service militaire obligatoire. Cette loi oblige les hommes âgés de 18 à 35 ans et les femmes âgées de 18 à 27 ans à servir dans l’armée pendant au moins deux ans. La limite d’âge passe à 45 ans pour les hommes et à 35 ans pour les femmes s’ils ont des compétences spécialisées (en médecine ou en ingénierie, par exemple) et ceux-ci sont tenus de servir pendant trois ans. Enfin, tous les enrôlés peuvent aussi être contraints de servir pendant cinq ans en cas d’état d’urgence, comme c’est le cas actuellement. Cette loi concerne 13 millions de jeunes adultes et les entrainements doivent commencer après le nouvel an bouddhiste (mi-avril).

Aujourd’hui, nul ne sait comment cette obligation sera mise en pratique et dans quelle mesure les jeunes seront enrôlés de force. La promulgation de la loi a semé un vent de panique dans les familles. Certains jeunes n’osent plus sortir de chez eux par peur de rafles et le nombre de demande de visas et de tentatives de départs à l’étranger augmente de jour en jour.

La réforme du système scolaire se poursuit

En dépit d’une crise politique à son comble et un système éducatif en ruine, la junte militaire poursuit une réforme éducative entérinée par le gouvernement précédent qui avait fait de l’éducation une priorité nationale.

Afin de s’aligner sur les standards des autres pays de l’ASEAN, dès 2022, le cursus scolaire s’est doté de deux niveaux supplémentaires pour se terminer en grade 12 et non plus en grade 10. Le niveau Lycée a été allongé de 2 années : désormais, après avoir passé le Grade 9 (fin du collège), les élèves ont la possibilité d’aller en lycée technique ou agricole ou d’intégrer une formation pratique. S’ils veulent aller à l’université, ils doivent terminer le grade 12 et passer un test d’entrée. Les premières classes de Grade 12 ont débuté en juin 2023. A l’issu de l’année scolaire, les élèves recevront un certificat de fin d’études.

Des jeunes heureux d’étudier en classe informelle dans la région des Chin, où 75% des écoles publiques ont fermé. Les villageois sont contraints de s’organiser eux-mêmes afin d’assurer une éducation à leurs enfants.
Des classes informelles Hakha

Cette réforme soulève quelques difficultés dans le contexte actuel. Des milliers d’enseignants ont rejoint le mouvement de désobéissance civile (CDM) après le coup d’état, contraignant le gouvernement à embaucher tant bien que mal des personnes non qualifiées pour les remplacer. Par ailleurs, après avoir passé deux années sans école (2020-2022) beaucoup de nos filleuls se retrouvent dans des grades scolaires ne reflétant pas leur âge et leur maturité. Rallonger leur scolarité de deux ans risque d’accentuer ce phénomène.

Face à cette situation, nous travaillons avec nos responsables locaux, à offrir des solutions alternatives aux jeunes afin de les maintenir à l’école le plus longtemps possible. Pour la troisième année consécutive, nous soutenons un vaste programme d’écoles « informelles » dans les lieux où l’école publique est fermée ou ne permet pas aux enfants d’étudier dans un grade en accord avec leur âge et leurs compétences. Nous encourageons par ailleurs nos filleuls les plus âgés à intégrer des formations courtes de qualité et créons des partenariats avec des écoles et des formations de qualité. S’il y a bien quelque chose que les birmans nous apprennent c’est qu’il existe toujours une alternative !

PARRAINER EN BIRMANIE

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Isaure Clément
Isaure Clément Chargée de pays Birmanie Contact