Histoire d’un ancien filleul qui œuvre désormais pour les enfants des rues !

Texte et photo : Agathe de Courville

L'enfance de Gil TERIOTE, ancien filleul de l’organisation Share A Child

Gil TERIOTE, ancien filleul de l’organisation Share A Child
Gil Nino est un ancien filleul aujourd’hui très impliqué dans l’association Share A Child

Sur le terrain, les personnalités fortes ne manquent pas. Pour nos volontaires Bambou, ce sont souvent des rencontres marquantes. Rien cependant n’est plus incroyable que de découvrir que ceux qui s’activent aujourd’hui dans les bidonvilles et les programmes de parrainages sont d’anciens enfants en difficultés, eux-mêmes aidés quand ils en avaient besoin. C’est l’une de ces histoires qu’Agathe a voulu vous raconter.

Aujourd’hui, je vous propose d’aller à la rencontre de Gil TERIOTE, ancien filleul de l’organisation Share A Child et qui donne sa vie pour l’association au sein de Cebu City. Il donne tout son temps aux plus pauvres, va à leur rencontre durant la journée et cherche aussi des moyens pour les aider, les former et les accompagner. C’est une vie donnée aux plus démunis. Voici son témoignage.

« Je suis né un vendredi 13 janvier 1978, dans la ville de Surigao. Fervents catholiques, mes parents m’ont nommé Gil NINO : Gil signifie « God Is Love » et NINO en l’honneur de l’Enfant Jésus. Campo Bacuag, là où j’ai grandi, n’était pas un lieu paisible : j’ai été témoin de la guerre dès mon plus jeune âge.

Mes parents étaient propriétaires d’un petit magasin, et chaque dimanche nous allions vendre au marché du poisson séché. Les affaires marchaient suffisamment bien pour que mes parents achètent un jeepney [un transport local philippin, ndlr], puis construisent notre propre maison.

En 1986, nous avons été transférés dans la ville de Surigao parce que mes parents ont été accusés à tort par les militaires de soutenir les rebelles. Ils ont donc changé de secteur d’activité et notre entreprise s’est agrandie au point d’employer plusieurs personnes !

J’ai étudié dans la meilleure école de la ville où je côtoyais les enfants des plus riches. Mais quand mes parents se sont séparés, ils ont vendu tous les biens que nous avions, puis mon père et ma mère ont déménagé sur deux îles différentes. Mes deux sœurs et moi avons été laissés à notre grand-mère, avant que je ne sois transféré à Cebu City.

Sous la garde de mon oncle, pour la première fois de ma vie, j’étais loin de ma famille et de mes racines. Je pleurais presque tous les soirs et j’en arrivais même à blâmer Dieu. Je me sentais si seul que j’en avais perdu l’appétit et cela m’a valu un ulcère à l’estomac.

J’étais traité très différemment de mes cousins : tandis qu’ils étudiaient dans des écoles privées, j’allais à l’école publique. Je me levais tôt pour arroser les plantes et nourrir les poules alors qu’ils étaient encore au lit. J’allais à pied à l’école quand eux y allaient en voiture. Au petit déjeuner, ils avaient du lait avec des vitamines, et de la viande au déjeuner tandis je n’avais droit qu’à du poisson. J’étais déprimé et j’avais beaucoup de ‘’pourquoi’’ dans la tête… Un sentiment d’injustice me rongeait, j’avais l’impression d’avoir la pire vie du monde.

Dépasser sa peur

Chez un filleul du programme de Tap Tap dans les montagnes de Cebu City
Chez un filleul du programme de Tap Tap dans les montagnes de Cebu City

Malgré tout cela, j’ai obtenu mon diplôme élémentaire avec mention. Mes parents ne sont pas venus à la remise de diplômes…

Mon oncle ne savait plus où m’envoyer au lycée, car j’ai échoué à l’examen d’entrée à l’école nationale d’Abellana. Je me rappelle avoir eu terriblement faim pendant l’examen car on ne m’avait pas donné d’argent pour déjeuner.

J’ai donc été forcé de redoubler l’année que j’avais réussie ! J’avais des camarades de classe qui étaient boursiers de l’association Share A Child. J’ai pu, grâce à eux, rencontrer l’avocate Nina Valenzona, devant qui je me suis mis à pleurer : je me suis rendu compte que j’avais été violemment affecté par ce que j’avais vécu. C’est alors que Share A Child m’a accepté comme boursier, j’étais très heureux.

En 1991, j’ai commencé mon parcours avec Share A Child, qui est devenu ma deuxième maison. Comme j’étais très timide, lors des activités, je préférais faire la cuisine… J’avais du mal à faire part de ce que j’avais vécu. Mais Maître Nina m’a poussé à dépasser cette peur, et je me rends compte à quel point c’était nécessaire : cela m’a permis de développer mon « moi intérieur ».

Peu à peu j’ai commencé à prendre confiance en moi. Lorsque j’écoutais les récits de la vie des autres boursiers, j’ai compris que la mienne n’était pas la pire. J’ai commencé à éprouver de la reconnaissance pour toutes les bénédictions reçues. Certains de mes « pourquoi » d’avant trouvaient maintenant une réponse. Nous étions comme des frères et sœurs au sein de l’association.

Presque chaque dimanche, nous allions à la prison municipale pour enseigner le scoutisme aux mineurs incarcérés. Quand je les entendais raconter leurs expériences, je remerciais Dieu d’autant plus pour ce que j’avais eu. Cela a changé ma vision de la vie et m’a ouvert l’esprit : aujourd’hui quand je vois un mineur voler, je me dis qu’il n’a peut-être rien à manger ou qu’il en a besoin pour des médicaments. J’ai vraiment beaucoup appris d’eux.

Une épine parmi les roses

En 1994, j’ai terminé mes études secondaires et réussi l’examen d’entrée au Centre de technologie industrielle (CITE) où j’ai obtenu mon diplôme de Technologie Electronique en 1997.

Je passais tout mon temps libre au bureau de Share A Child où j’étais très bien accueilli, je participais aux formations et aux activités. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai travaillé pendant un an comme technicien de maintenance à l’archidiocèse de Cebu.

Quand Share A Child a ouvert un programme de microfinancement pour aider les familles des filleuls, Atty Nina m’a proposé de travailler au développement de ce programme. Sans hésiter, j’ai accepté l’offre et dès le lendemain, j’ai pris le bateau avec les autres employés en direction de Manille afin de me former.

Gil Nino avec une famille du bidonville de Cebu City
Gil Nino avec une famille du bidonville de Cebu City

Nous étions cinq et j’avais l’impression d’être une épine parmi les roses. Je devais aider manuellement, intellectuellement et financièrement les familles du bidonville d’Alaska. À cette époque, je me suis également inscrit au CIT-U pour obtenir une licence en génie électronique et des communications, que j’ai obtenue en 2003.

Au service des enfants des rues de Manille

Enfants du Mékong soutient les crèches des bidonvilles animées par Share A Child.
Enfants du Mékong soutient les crèches des bidonvilles animées par
Share A Child.

En 2013, un membre du personnel de Share A Child m’envoie un SMS pour me demander mon groupe sanguin. Un peu stressé, je demande qui a besoin de sang. J’apprends que Maître Nina est en phase terminale d’un cancer et que seul un miracle peut la sauver.

Je lui ai rendu visite à l’hôpital, nous nous sommes rappelés une foule de souvenirs comme le camp d’été, les sorties, les moments de partages… Puis tout à coup, elle m’a serré la main, très fort, et m’a dit de continuer à œuvrer pour Share A Child. J’étais choqué, en larmes.

Quelques semaines après sa mort, sa famille m’a appelé pour me demander de faire partie de l’équipe de Share A Child. Je n’ai pas hésité. En travaillant avec l’association, je me suis rendu compte de la nécessité d’étudier davantage et je me suis donc inscrit à l’USPF pour passer mon master. A 40 ans !

Gil Nino dans un bidonville de Cebu City aux Philippines
Gil Nino dans un bidonville de Cebu City aux Philippines

Travailler avec les enfants défavorisés est quelque chose de différent. J’ai trouvé ma voie qui me remplit de bonheur… Travailler avec les plus pauvres parmi les pauvres est très difficile. La vision, la mission et l’objectif de Share A Child me servent de phare dans ce voyage. En cours de route, j’ai rencontré des difficultés, au point de me demander si je faisais une différence dans leur vie, si je faisais ce qu’il fallait, et même s’il ne me fallait pas abandonner.

Mais quand je prends du recul, que je me rends compte de tout ce que j’ai reçu, que je me rappelle les succès de nos filleuls et que je lis leurs lettres, cela me redonne de l’énergie pour continuer à servir. J’ai de la chance : c’est comme si l’association prenait soin de moi.

Nous sommes comme une grande famille, avec les filleuls comme enfants. Chaque fois que nos filleuls obtiennent leur diplôme, cela nous procure de la joie, du bonheur, et donne un sens à ce que nous faisons. Merci à Enfants du Mékong pour votre soutien et votre amour pour les enfants philippins. »

Parrainez un de nos programmes aux Philippines.

Nos parrainages aux Philippines permettent de soutenir une structure telle que celle de Gil. Avec 28€/mois (7€ après déduction fiscale), vous permettez à un enfant d’aller à l’école et de vivre dignement.

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Alix de Changy
Alix de Changy Chargée de pays Philippines Contact