Des parrains pas si ordinaires
L’aventure Enfants du Mékong se vit à travers un prisme.
Il y a tout d’abord les premiers concernés : les filleuls. Ces 22000 enfants dans sept pays asiatiques traversés par le Mékong (ou presque) qui, grâce à des dons réguliers, peuvent aller à l’école tous les jours.
Il y a ensuite les parrains, sans qui aucune aventure ne serait possible. Aujourd’hui ils sont 19600 à partager cette extraordinaire aventure humaine et humanitaire. Et ce sont eux dont je voudrais parler aujourd’hui.
En tant que volontaire EDM depuis plusieurs mois déjà, des rencontres, j’en ai fait ! Mais il y en a qui touchent, qui marquent davantage. C’est l’une d’elle je voudrais vous raconter.
Je suis volontaire depuis août dernier et responsable de la coordination de plusieurs programmes aux Philippines.
Dans la région de Bicol, sur l’île de Luzon, à près de 9h de bus de la capitale, Manille, Enfants du Mékong a ouvert un programme il y a une petite dizaine d’années à Colacling, Lupi.
Un jour, on m’informe de la venue des parrains de John Rence ! Nouvelle qui, en quelques heures, va faire le tour du petit village de Lupi, et du grand programme de parrainage de Sister Nemia ! Il nous faut préparer LA rencontre entre John Rence, sa famille, le programme et les parrains, parce qu’il ne s’agit pas d’une seule personne ou même juste d’un couple mais de toute une famille : cinq enfants, leurs parents, un véritable débarquement !
LUPI
Le programme de Lupi se situe dans la campagne. Pourtant sur la route principale reliée à Manille, Colacling est une toute petite ville de province vivant principalement de l’agriculture, en particulier de la culture des noix de coco. A Lupi, nous sommes confrontés à la pauvreté typique des campagnes.
Les pères travaillent en général en tant que cultivateurs de noix de coco, ce qui ne rapporte qu’un salaire de misère car les terres ne leur appartiennent pas. Beaucoup partent travailler à Manille en tant qu’ouvriers dans l’espoir d’un salaire meilleur, ce qui malheureusement entraîne des séparations et souvent des ruptures dans les familles.
Les mères, quant à elles, sont généralement au foyer. Certaines ont divers « petits business » qui apportent aux familles des compléments de revenu non négligeables.
Sister Nemia, responsable du programme de Lupi depuis son ouverture en septembre 2013, est un petit bout de femme dynamique et rieuse. Elle donne toute son énergie, sa bonne humeur et même son charme à « son » programme, à « ses » filleuls qu’elle dorlote.
Et parmi « ses » 23 filleuls, il y a le tendre et discret John Rence, 12 ans. Comme beaucoup d’enfants philippins, John est calme, réservé. Assidu à l’école, bon élève et rêvant de devenir ingénieur, il est né dans une famille aimante. Sa maman s’occupe de lui et de ses trois frères et sœurs, et son papa est gardien dans un supermarché. Son maigre salaire ne lui permet pas d’offrir à ses enfants des études très longues alors Enfants du Mékong est intervenu : John Rence a été parrainé en décembre 2017.
Les Philippins sont des gens incroyablement accueillants et chaleureux. Je savais que tout le monde à Lupi se préparait à accueillir cette famille en grande pompe !
Le jour J, l’évêque en personne est venu témoigner de sa gratitude. La maman de John Rence a pris timidement le micro pour lire quelques mots de remerciement, son émotion était perceptible. Quant à John Rence, c’est un discours préparé qu’il a lu d’une traite, tant il avait le trac. Mais quelle émotion de l’écouter parler dans un bon anglais avec ses mots d’enfant, tentant de remercier cette famille bénie, connue seulement jusqu’alors par leurs lettres et photos !
Puis nous avons assisté à une succession de discours, de danses et de chants préparés par l’ensemble des filleuls du programme.
L’émotion se lisait aussi dans les yeux de cette famille pas comme les autres, à recevoir autant de manifestations de sympathie de la part d’enfants qui se rendent compte, qu’après tout, leurs parrains sont des gens un peu comme tout le monde : eux aussi, ont le micro tremblant lorsqu’il faut dire merci pour cet accueil des plus chaleureux et témoigner son soutien à John Rence, à sa famille et au programme de Lupi.
Une famille atypique
Lors de cette visite, j’ai découvert une famille extraordinaire. Une famille pour qui le parrainage d’un enfant pauvre des Philippines était une évidence !
Blandine et Roland se rencontrent en 1989 et se marient en 1991. Lui est ingénieur forestier et elle secrétaire de direction, métier qu’elle abandonnera très vite après leur union.
Malheureusement la nature ne leur offre pas de donner la vie. Alors ils vont accueillir des enfants de par-delà les mers.
En 1999, ils adoptent leur premier garçon, Paul, né en Colombie en 1997. Trois ans plus tard, ils adoptent Hugo qui vient du Brésil, il a alors 2 ans. Puis, en 2005, viennent agrandir la famille les jumelles Agate et Charlotte, âgées d’à peine 8 mois, adoptées également au Brésil comme leur frère. Quelques mois après, la douce Philippine se joint à la famille, tout simplement, sans s’annoncer vraiment, tout naturellement.
La famille habite Bordeaux et les enfants grandissent dans une ambiance multiculturelle, ouverte sur le monde, ouverte à l’autre. Ils sont éduqués dans la foi, l’amour de l’autre, le respect de toute origine et surtout la découverte de soi.
En 2011 arrive le premier grand voyage familial dans la droite ligne de leur conception de l’adoption : ne rien cacher, pas même le pays d’origine. Paul va pouvoir aller à la rencontre de son peuple, là-haut dans un lointain village perdu des Andes occupé par les milices armées. Il découvrira les traces de sa famille ou plutôt de sa vie d’avant, l’orphelinat où il a été recueilli jusqu’à la rencontre de la personne qui l’y a élevé durant 2 ans, choyé, dorloté avant son adoption.
En 2014, c’est au tour des brésiliens Hugo, Charlotte et Agathe de partir à l’aventure au Brésil dans leurs Etats respectifs de Espiritu Santo et Maranao. Toute la famille s’envole vers ce pays alors inconnu qui va encore une fois tous les transformer.
Au cours de la visite, je découvre une famille soudée et aimante. Leur venue suscite des questions : les filleuls me demandent comment il est possible d’avoir des enfants aussi différents. L’adoption pour certains n’est pas dans leur vocabulaire. J’admire ce parcours courageux que je devine pas toujours facile, cette aura que cette famille dégage.
Il fallait y aller
Après ces deux voyages familiaux, la petite dernière demande à son tour un voyage extraordinaire. Oui, mais pourquoi ? dans quel but ? aller visiter la maternité de Périgueux où elle est née n’a pas grand intérêt ! Mais son prénom les oriente vers les Philippines !
Partir aux Philippines ? Pourquoi pas ! Découvrir les plages de sable fin, les coraux et milliers de poissons multicolores, les rizières en terrasses, la différence culturelle, c’est tentant mais le prénom n’est pas une raison suffisante. La rencontre est dans l’ADN de cette famille : il leur faut un objectif plus que touristique, vous l’aurez compris !
Cependant il n’en est plus question d’adoption : les enfants sont grands et la maison est pleine ! Alors ils se lancent dans le parrainage d’un enfant aux Philippines dès 2017 ! La boucle est bouclée, chaque enfant a son histoire, son pays, sa culture, sa rencontre.
Désormais, les Philippines font partie de l’histoire de cette famille si peu ordinaire. « Il fallait y aller ! » s’exclament encore les enfants aujourd’hui à propos de leur voyage et de la
« Ma mission est une occasion de découverte de l’autre. »
Si vous aussi, vous souhaitez parrainer :
Un chemin pour l’école pour les enfants des bidonvilles aux périphéries de Manille !
Pasay City est un véritable un hub de transport touristique pour d’autres îles. Aussi, de nombreuses familles des bidonvilles gagnent leur vie en assistant les passagers ou en vendant des goûters, repas ou divers produits.
Soutenir les enfants porteurs de handicap dans les rues de Manille
Parmi les enfants abandonnés dans les rues de Manille, certains ont un handicap mental qui les rend encore plus vulnérables. La majorité d’entre eux est tout simplement parquée dans des prisons pour enfants sans aucune structure de suivi qui leur soit adaptée.