La formation intégrale d’Enfants du Mékong
L’éducation, est-ce seulement l’école ? Quels sont les éléments essentiels pour faire grandir un enfant ?
L’ONG d’éducation, Enfants du Mékong réfléchit depuis longtemps aux questions liées à la pédagogie et au bon développement des jeunes. L’ambition de l’association est de former les plus pauvres, mais une formation aussi bien académique qu’humaine.
Les trois pilliers de la formation intégrale ? Se construire soi-même, s’ouvrir au monde, s’impliquer dans la société.
Certains jeunes dont nous nous occupons, nous disent qu’ils sont fatigués et qu’ils dorment mal. Cela les rend très irritables et c’est en partie à cause des écrans. Quoique le pays soit très pauvre et qu’il y ait de grandes inégalités économiques au sein de la population, la plupart des jeunes ont accès aux écrans, ne serait-ce que celui d’un smartphone. Dans les familles les plus pauvres, certains n’hésitent pas à se priver de nourriture pour pouvoir acheter un téléphone. À partir de là, les jeunes passent beaucoup de temps sur leur écran. Tous sont sur les réseaux sociaux ou bien jouent en réseau. La situation a empiré cette dernière année alors que la plupart des jeunes mineurs sont encore confinés chez eux et que l’école ne peut se faire qu’à distance et par écran interposé. Cela a des effets très nocifs sur nos enfants. Nous devons réagir et les encourager à prendre conscience des dangers du digital.
En Thaïlande, le problème est que les enfants dès leur plus jeune âge sont habitués aux écrans. Dans la culture thaïlandaise, les très jeunes sont souvent considérés comme des rois. Les parents, mais surtout les grands-parents qui s’occupent beaucoup d’eux quand les parents tra- vaillent, particulièrement dans les milieux pauvres, leur passent tous leurs caprices. Le téléphone est souvent le moyen de garder un enfant calme et beaucoup de bébés passent un temps important devant l’écran des adultes.
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5,8 millions
C’est l’augmentation du nombre de nouveaux utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux aux Philippines en moins d’un an.
65 % des Philippins
de 15 à 19 ans déclaraient utiliser Internet en 2019.
Beaucoup de jeunes – mais pas seulement – vivent en fonction des commentaires qu’ils reçoivent après la publication d’un message (un post) sur les réseaux sociaux. Ce phénomène mondial touche également nos filleuls dans tous nos pays d’action. Le nez rivé à l’écran, leur cœur suit les mêmes variations que l’augmentation des « like » qui déferlent, ou pas. Ce trop-plein d’émotions n’est pas facile à gérer. À l’heure de la pédagogie positive, que penser de ces encouragements à outrance, qui font malheureusement parfois défaut sur les sujets importants, tant les « post » défilent à grande vitesse sur les réseaux sociaux ?
L’une des activités de la formation « How to be smart to use a smartphone », plébiscité par les jeunes, est simplement une discussion autour de cette bande-dessinée très courte qui raconte l’histoire d’un petit chat en quête de « like ». Simple, sans paroles, percutante, cette page nourrit les discussions et fait réfléchir, prendre conscience, dédramatise aussi parfois. Comme toujours, il s’agit de trouver l’équilibre : jusqu’où puis-je prendre des risques dans mes publications ? Une belle introduction au concept de « e-reputation », qui sera un enjeu majeur lors de leurs futures recherches d’emploi.
Nos responsables de programmes s’alarment particulièrement des nouveaux comportements que la crise sanitaire et les cours à distance ont entraîné chez leurs jeunes
Certains affirment qu’ils passent douze heures par jour devant leur téléphone. Ils ont douze ans, pas davantage. La grand-mère qui les observe n’est pas surprise : elle les a mis en garde, mais rien n’y fait. Et qu’a-t-elle dit ? Dans le sud de la Thaïlande, il est rare de trouver des jeunes qui passent moins de 3 heures par jour sur les écrans. Certains parents pensent ainsi voir grandir un futur ingénieur informaticien, d’autres y trouvent la solution de garde la moins onéreuse de la région. Cette mésinformation est dramatique, car certains enfants décrochent du système scolaire lorsqu’ils ne trouvent plus le temps de faire leurs devoirs face à l’engouement que suscitent les vidéos Youtube et les jeux en réseau. Un jeu en particulier captive l’attention de beaucoup : des parties de 10 minutes pour être le dernier survivant sur une île, contre 49 concurrents. Ce nouveau Hunger game pour smartphone monopolise l’attention, et les jeunes multiplient les parties de 10 minutes, 20 fois, 30 fois d’affilée, car l’enjeu est de taille et la concurrence rude. Enfants du Mékong s’alarme de cette situation commune à tous les pays d’Asie du Sud-Est.
« Nous ne sommes pas les seuls à en prendre conscience, mais aujourd’hui il existe peu de formations qui abordent tous les aspects liés aux écrans : les bons et les mauvais, explique Armelle Lahalle, responsable de la formation intégrale d’Enfants du Mékong. N’ayant pas encore découvert le partenaire éducatif correspondant à notre vision, nous proposons aujourd’hui une formation d’une demi-journée que nous avons créée nous-mêmes, aidés par des jeunes professionnels spécialistes de ces sujets. » Le but de cette formation est de faire réfléchir les jeunes sur les enjeux clés d’une bonne utilisation des écrans et des réseaux sociaux. La vie privée, la sécurité, la santé, les liens sociaux, le bien-être, les conséquences environnementales, autant de sujets sur lesquels ils sont invités à apporter leurs propres réponses. Sous la forme de dix jeux et de dix conseils sous-jacents, la formation qui enthousiasme les jeunes est facile à transposer : aujourd’hui sur les six pays d’action d’Enfants du Mékong, cinq ont déjà récupéré le contenu pour l’adapter à leur pays et le proposer sous une nouvelle forme. « Nos responsables de programmes s’alarment particulièrement des nouveaux comportements que la crise sanitaire et les cours à distance ont entraîné chez leurs jeunes, explique Armelle. Dans plusieurs de nos pays d’action, les vacances scolaires qui débutent seront l’occasion de camps d’été dédiés à cette thématique. »
L’objectif n’est pas une révolution immédiate des comportements, c’est une prise de conscience, associée à des outils. Aussi, sur les dix conseils donnés, chacun devra en retenir quatre et les faire siens. Ces conseils ont leurs outils, telle l’application qui permet de mesurer le temps passé par semaine sur son téléphone, les moteurs de recherche pour vérifier les fausses informations (fake news), ou encore tout simplement le mode avion. Si à cela s’ajoute un peu de bon sens et une piqûre de rappel quelques mois plus tard pour raviver l’ardeur des premiers jours, l’école a encore de beaux jours devant elle.
J’ai aimé cette formation car elle m’a aidé à savoir comment utiliser les réseaux sociaux, à ne pas relayer les fake news, à ne pas croire tout ce qu’on lit sur Facebook, etc. Les activités sont des expériences précieuses pour nous aider à mieux utiliser les réseaux sociaux. L’atelier sur la question « Pourquoi êtes-vous parfois triste lorsque vous n’obtenez pas beaucoup de » like » sur Facebook ou Instagram ? » m’a particulièrement plu car cela m’a permis de prendre de la distance. J’ai pu mieux me connaître et surtout mieux connaître mes propres sentiments. Je n’ai par contre pas beaucoup aimé quand les activités m’obligeaient à trop montrer mes émotions. Je me suis rendu compte qu’il y avait des situations où le téléphone était un bon outil et d’autres où ce n’était pas le cas. Notamment quand c’est l’heure de dormir ! »
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