« Connais-toi toi-même ! »

« Se construire soi-même à tout âge. » En parallèle de leurs cours, les étudiants Enfants du Mékong réfléchissent et approfondissant leurs questions personnelles sur l’amitié, le travail, l’art, le bonheur, les passions, les religions.

La formation intégrale

L’ONG d’éducation, Enfants du Mékong réfléchit depuis longtemps aux questions liées à la pédagogie et au bon développement des jeunes. L’ambition de l’association est de former les plus pauvres, mais une formation aussi bien académique qu’humaine.

Les trois pilliers de la formation intégrale ? Se construire soi-même, s’ouvrir au monde, s’impliquer dans la société.

Dans le Centre dont je m’occupe à Vientiane, la capitale du Laos, nous accueillons aujourd’hui une cinquantaine de jeunes garçons et filles. Avec le temps, je vois bien que nous avons besoin de leur enseigner des réalités qui autrefois  étaient  transmises  au sein de la famille. Je prends un exemple simple : dans la culture  laotienne,  la politesse et le respect des aînés sont très importants. Aujourd’hui pourtant beaucoup  de jeunes que nous accueillons dans nos foyers n’ont plus les réflexes élémentaires de dire bonjour à un adulte qui passe à proximité.  Je ne crois pas que ce soit anecdotique : c’est au contraire le signe d’une perte de repères plus globale. Nos jeunes ne sont plus dépositaires  d’une sagesse qui autrefois  faisait la grandeur du Laos. Il est donc important de leur enseigner ces valeurs.

Au Laos, nous avons un dicton  «Donne du poisson et tu recevras de la viande.» C’est un exemple de la sagesse populaire  d’autrefois. Ce proverbe signifie que le don profite toujours à celui qui donne  autant qu’à celui qui reçoit. Mais il signifie aussi que lorsqu’on reçoit, il faut donner  à son tour. Il faut toujours  être reconnaissant de ce que l’on reçoit et le rendre d’une manière ou d’une autre, avec les talents que l’on possède. Cette leçon est très importante pour nos jeunes qui viennent  de familles pauvres et qui reçoivent tant déjà, notamment de leur parrain ou marraine.

Dans tous ces domaines, c’est la cohérence entre qui je suis et ce que je fais qui est en jeu pour  nos jeunes. C’est pour  cela que je crois qu’il est très important d’enseigner la philosophie à nos étudiants pour leur donner  un socle de valeurs et des repères pour leur vie future.

Sœur Latsamy, responsable de programme pour Enfants du Mékong au Laos

160ème   /179

C’est le classement du Cambodge sur l’Indice de perception de la corruption  en 2020.

25,6 d’âge médian

Avec une population très jeune, le levier de l’éducation  est essentiel pour changer les mentalités.

 

 

centre docteur Christophe Mérieux
centre docteur Christophe Mérieux

 Notre approche du terrain 

« Tous les enfants que nous soutenons ne vont pas devenir des intellectuels ou des hommes d’affaires ; ou même savoir lire parfaitement. Mais tous sauront comment être une belle personne et prendre soin de leur pays. » Ces mots sont d’un ancien moine bouddhiste, Mony Chenda. En 2010 avec Enfants du Mékong, il soutient le développement d’un centre universitaire dont le cœur du projet est la formation intégrale. Pour lui, « tout le monde peut devenir un grand leader, pour ses amis, sa famille, son pays… Il est nécessaire de donner à ces jeunes un lieu et du temps pour la formation qui leur donne la possibilité de déployer leurs ailes.»

C’est ainsi qu’est né le Centre Docteur Christophe Mérieux de Phnom Penh, où les premiers jalons d’un parcours philosophique sont rapidement mis en place. Cœur de la formation dite humaine, ce lent travail d’acculturation se prépare. Il faut sortir des codes de l’Occident et comprendre la mentalité khmère. C’est l’enseignement d’un autre bonze qui donne le déclic. Sollicité pour intervenir sur le sujet de la vie après la mort, il s’installe et raconte. Il n’enseigne pas, il raconte. Il peint les nuances de ce sujet délicat au travers d’histoires et d’anecdotes. L’auditoire est suspendu à ses lèvres. C’est la méthode khmère : un orateur davantage narrateur que professeur, qui conclut 30 minutes de récits par quelques phrases qui justifient à nos yeux son intervention : des sentences de sagesse dont il sera aisé de se souvenir tout comme on se souvient des fables et des morales de La Fontaine. L’enseignement final est succinct, mais il frappe les esprits déjà imprégnés du sujet par tant d’histoires et d’anecdotes qui leur ont parlé au cœur. La formation philosophique dispensée dans les centres d’Enfants du Mékong est calquée sur ce modèle : un long temps de jeux, d’anecdotes ou d’histoires et de questions, suivi d’un court enseignement qui ne fait que parachever ce qu’ils ont déjà compris.

Nos responsables sociaux khmers, qui vivent chaque jour avec les jeunes dans les centres Enfants du Mékong au Cambodge, témoignent : « Les jeunes n’ont  pas d’objectifs clairs, ils ne prennent pas de risques, mais ils veulent de gros succès. Il est important de leur apprendre à avoir une attitude positive, de travailler avec eux l’autodiscipline et la confiance en soi. Tout succès demande du temps et une implication constante. Il faut leur donner des outils, de bons orateurs qui les inspirent. Il faut beaucoup de pratique et peu de théorie.» Aussi le parcours de philosophie aborde-t-il les vertus, les meilleurs outils du jeune pour apprendre effectivement que tout demande du temps et une implication constante pour parvenir à son objectif. L’occasion pour chacun des étudiants de s’interroger sur l’objectif qu’il poursuit. Est-ce le succès ? La santé ? Un bon travail ? La famille ? Le bonheur ? En parallèle, aux séances sur les outils – les vertus – les étudiants réfléchissent à ces sujets, en approfondissant leurs questions personnelles sur l’amitié, le travail, l’art, le bonheur, les passions, les religions. Un parcours complet en 12 séances où le professeur s’efface au profit de ses élèves les trois quarts du temps.

Finalement, entre succès et bonheur, que faut-il privilégier ? La question dépasse les frontières. Elle est au cœur des préoccupations des étudiants  des centres. Ce sont par exemple les livres qui abordent ce sujet qui sont les plus convoités dans la bibliothèque  du Centre Docteur Christophe Mérieux. Le rôle d’Enfants du Mékong n’est pas ici de leur donner une réponse toute faite, mais plutôt de les accompagner pour qu’ils fassent leur propre choix. Et s’il fallait un indicateur pour se persuader que cet enseignement doit continuer aujourd’hui, le simple fait que chaque nouvelle génération se présente à la rentrée avec ces mêmes questions essentielles suffit à confirmer la nécessité de ce parcours philosophique. 

 

Formation professionnelle

Le rôle d’Enfants du Mékong n’est pas ici de leur donner une réponse toute faite, mais plutôt de les accompagner pour qu’ils fassent leur propre choix.

 

 

 

Chaque élève, lors des formations en philosophie, est invité à réaliser une fleur de lotus dans laquelle il dessine qui il est, sa devise, son bonheur et son malheur.

 

Témoignages des filleuls  

« Le travail sur l’amitié me permet de beaucoup apprendre et aussi de le mettre en pratique dans ma vie quotidienne, en foyer avec les autres filles. Auparavant, je détestais cette vie en foyer,  je voulais garder toutes mes affaires et je n’étais pas heureuse de les partager avec les autres. En revanche, après ce cours, j’ai changé sans en avoir conscience. Le cours de philosophie est très important pour notre vie quotidienne. Cela nous permet de comprendre le sens de la vie et comment on peut trouver le vrai bonheur. Il nous permet de bien communiquer avec les autres et de bien vivre dans la société.»

Sou Chanseng, étudiante ingénieur

 

 « Après avoir réfléchi au sens de la vie, nous nous encourageons à développer des aspects de nous-mêmes que nous ne connaissions pas encore. Quand nous avons des échanges  avec les autres étudiants, nous partageons beaucoup de bonnes idées et comparons la leçon avec la vie réelle.»

Sinh Sreypich, étudiante en agronomie

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