Cultive la confiance en toi

 

 

La formation intégrale

L’ONG d’éducation, Enfants du Mékong réfléchit depuis longtemps aux questions liées à la pédagogie et au bon développement des jeunes. L’ambition de l’association est de former les plus pauvres, mais une formation aussi bien académique qu’humaine.

Les trois pilliers de la formation intégrale ? Se construire soi-même, s’ouvrir au monde, s’impliquer dans la société.

Sander Lin, responsable de programme en Birmanie

Je suis responsable de plusieurs jeunes dans un foyer de l’État Kachin au nord de la Birmanie. Ici, nous sommes tous les jours confrontés à des difficultés structurelles liées à la manière même de considérer l’instruction des jeunes dans le pays. Pendant les années de dictature militaire, le gouvernement n’a pas voulu développer l’instruction. Avec l’ouverture du pays en 2011, les choses se sont améliorées, mais il existe encore une très grande inégalité entre les villes et la campagne. Dans les villages reculés de province, dans les États ethniques, le niveau scolaire est encore très bas et l’environnement ne permet pas aux jeunes de se développer.

Ce défaut de développement a pour conséquence un manque de confiance en soi et de discernement chez les jeunes. Beaucoup de ceux que j’accueille dans mon foyer ont des projets qui ne sont pas les leurs, mais ceux de leurs parents dont ils portent les espérances comme un fardeau, car ils ne peuvent s’y opposer. C’est à la fois une réalité culturelle en Birmanie, on doit le respect à ses aînés et un manque de confiance en soi : ces enfants sont authentiquement convaincus que les adultes savent mieux qu’eux-mêmes ce qui est bon pour eux ! C’est malheureusement souvent une voie toute tracée vers l’échec.

Les raisons en sont multiples. Le manque de développement du pays y est pour beaucoup : dans certains villages de l’État Kachin, il n’y a toujours pas d’électricité. C’est avant tout la pauvreté des parents, très souvent absents pour travailler et peu instruits,  qui est en cause dans l’absence de confiance en soi des enfants. C’est aussi le peu de formation des professeurs qui attendent des élèves des récitations par cœur plutôt qu’une vraie compréhension des leçons. Il ne faut cependant pas leur jeter la pierre, car eux-mêmes font partie d’un système qui ne les soutient pas beaucoup et paie très peu. Une des premières étapes de la formation intégrale que nous proposons aux jeunes est donc de renforcer l’estime de soi et d’apprendre à faire preuve de discernement et d’esprit critique. Dans mon foyer, cela passe par des choses très précises comme par exemple apprendre à dire non.

 

 

 

 

 

 

 

 

4,4 millions

C’est le nombre d’enfants mineurs non scolarisés, en Birmanie.

39,5  %

des jeunes de l’âge du secondaire ne sont pas scolarisés, en Birmanie (Unesco).

Pour nous, un élève qui refuse de suivre le mouvement général, c’est souvent le début d’une victoire !

Notre approche sur le terrain

La confiance en soi (ou l’estime de soi), est un thème capital de la formation intégrale de la personne proposée dans les centres et foyers gérés par Enfants du Mékong  en Asie. Les besoins sont tels qu’au Cambodge ce thème a été adopté comme thème national  de l’année 2021. « J’ai cru au début de ma mission qu’il était prioritaire de développer la créativité ou l’esprit critique des jeunes qui nous sont confiés, mais je me suis rendu compte que cela supposait en premier lieu d’avoir confiance en ses propres capacités. Oser avoir une idée ou l’exprimer  est impossible si l’on n’a pas un minimum  de confiance en soi », explique Caroline Derot, volontaire Bambou responsable du Centre de Battambang au Cambodge. Influencée par le terrain et les besoins des jeunes Khmers et des responsables sociaux, la volontaire travaille donc avec les jeunes de son foyer sur le thème « Confiance et compassion ». « Tout est question d’équilibre. Nous essayons d’articuler la fierté avec la compassion. Car à trop cultiver la fierté, on risque parfois d’oublier les autres ! »

 

élèves de Battambang
activité d’architecture avec les étudiants du centre de Battambang

Ce thème de la confiance est essentiel également dans leur cursus scolaire. Il permet une meilleure orientation des jeunes en favorisant la connaissance qu’ils ont d’eux-mêmes et en limitant les influences extérieures qui comptent beaucoup dans les cultures asiatiques. « Au Cambodge, nos jeunes pensionnaires se perçoivent  d’abord  comme pauvres et, par conséquent, estiment qu’ils n’arriveront à rien. C’est un long travail de leur faire prendre conscience de leurs qualités et talents », insiste Caroline.

Pour arriver à de tels résultats, les animateurs de la formation intégrale d’Enfants du Mékong ne misent pas sur de grandes théories, mais plutôt sur un ensemble de jeux quotidiens et d’activités. «Pour aider nos jeunes à ressentir la fierté d’être Khmers et avoir davantage confiance en eux, nous aimerions leur faire découvrir le génie de la civilisation des bâtisseurs d’Angkor Wat, le plus grand édifice religieux au monde et la fierté du Cambodge, explique Caroline. En attendant l’archéologue qui viendra leur parler, nous leur avons lancé le défi de construire leur propre mini Angkor Wat avec les moyens du centre. »

Autre activité complémentaire, les pensionnaires en grade 11 (l’équivalent  de la Première au Cambodge) ont été formés au fonctionnement et à l’entretien de filtres à eau naturels. Ils ont ensuite été invités à organiser une distribution  de ces filtres dans un village qui n’avait pas d’accès à l’eau potable, en partenriat  avec l’association  Espoir en Soie. « C’était un très beau projet, s’enthousiasme Caroline. L’objectif était que chacun se forme à la prise de parole et puisse assumer des responsabilités différentes pour faire avancer le groupe. À la fin, l’un des élèves loin d’être à l’aise dans l’exercice m’a confié : « J’avais une mission. C’était dur, mais la mission est accomplie ! » avec un sourire rayonnant. »

C’est dans ce type d’exercices concrets que les élèves se révèlent  en premier  lieu à eux-mêmes.  « Mais ce que je trouve très beau chez nos étudiants, c’est qu’ils ne jalousent pas les talents des autres. Au contraire, la confiance des uns entraîne  et motive  les autres » ajoute Caroline. C’est ainsi que Chenda, une collégienne du Centre de Battambang qui a été très loin dans un concours de chant télévisé, The Voice Cambodia,  a pris la parole pour expliquer aux autres comment être plus à l’aise quand ils parlent en public. À la fin de l’atelier, tous les jeunes étaient ravis de cette activité qui, si elle mettait à l’honneur Chenda, a surtout permis à chacun de découvrir que parler en public était à leur portée. Quant à Chenda, qui a choisi de continuer ses études au centre plutôt que d’accéder à la gloire éphémère de la télévision, elle a confié un peu plus tard à Caroline : « Je suis heureuse d’avoir partagé mes astuces pour parler en public, mais surtout, je crois que j’ai pu aider tout le monde. »

 

création des élèves du centre de Battambang

Témoignage d’un filleul

« Vivre ensemble nous donne une ouverture d’esprit, car nous venons d’horizons différents. C’est pour cela que nous devons accepter l’autre et vivre en harmonie dans cette grande famille qu’est le Centre Dr Christophe Mérieux. Nous aidons notre pays, nous nous entraidons, nous enseignons aux enfants des campagnes. Même si nous sommes nés dans des familles pauvres,  nous avons un but clair et un fort esprit d’entraide pour notre avenir.

Tout va par paire. On échoue, on réussit, on est content, on est triste, on est chanceux, on est malchanceux. Ce qui va faire la différence, c’est la façon dont nous allons travailler, apprendre et progresser durant toute notre vie. Apprendre à nous connaître : chacun de nous est intelligent, beau, talentueux, bon, capable de se battre et d’apprendre de ses échecs. Même si nous sommes issus d’une famille pauvre, nous sommes riches à l’intérieur de nous-mêmes, car nous avons un but, une éducation, des vertus, l’espoir, la persévérance, la volonté, la communication, l’optimisme, le travail acharné, et l’amitié. Nous ne sommes pas démunis, nous avons l’aide d’Enfants du Mékong. Nous avons chacun un héros qui sommeille en nous, un héros qui veut nous aider, mais que nous n’utilisons pas, ou que nous laissons dormir. Réveillez votre  héros pour réussir votre  vie et faire ce que vous voulez faire. Quoi que vous fassiez, où que vous alliez, que ce soit avec le cœur. »

Kimhuon, étudiant au Centre Christophe Mérieux.

 

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