Des sourires au milieu des poubelles
Si le Cambodge et la région de Battambang se développent, certaines familles vivent encore dans des conditions misérables.
Au Cambodge, la rentrée se fait progressivement même si la date officielle annoncée est le 4 janvier 2021. « D’ici là, les élèves sont autorisés à revenir en classe en trois phases, ceci afin de mettre en place des normes très strictes de prévention contre la Covid », explique Martin Maindiaux, directeur Cambodge d’Enfants du Mékong. Le 7 septembre, c’étaient les grade 9 et 12 (l’équivalent de la 3eme et de la terminale en France) des écoles publiques qui ont eu le droit de revenir dans les salles de classe ainsi que tous les niveaux de maternelle. Les autres grades vont suivre petit à petit. Le nombre des salles de classes disponibles risque cependant de poser problème. Les écoles vont devoir passer de salles de classes où il y avait 30 à 40 jeunes à des salles de classes avec 15 jeunes maximums. Les épreuves du baccalauréat qui, d’habitude, ont lieu en août, seront organisées autour du 21 décembre. Les universités, quant à elles, n’ont pas encore fixé de date de réouverture.
« Si les écoles demeurent fermées pour l’instant, ce n’est pas forcément négatif, souligne Martin. Nous pâtissons d’informations parcellaires et souvent floues mais le gouvernement semble vouloir profiter de cette période singulière pour réformer entièrement le système éducatif depuis longtemps gangréné par des professeurs qui font payer le savoir en forçant les jeunes à venir suivre leurs cours privés payants. » C’est cette pratique qui a poussé Enfants du Mékong, il y a de nombreuses années déjà, à mettre en place des cours gratuits dans ses centres et foyers pour les enfants les plus pauvres, en plus des cours dispensés dans les écoles, insuffisants pour l’obtention du diplôme d’Etat. « Si le gouvernement propose une nouvelle organisation des programmes scolaires plus égalitaire, on ne peut que s’en réjouir », insiste le directeur du centre scolaire de Sisophon. Cette réforme intégrerait des pratiques d’apprentissage à distance qui semblent avoir fait leurs preuves durant la crise sanitaire.
Si les filleuls d’Enfants du Mékong ont eu droit à cette formule dès la fin du mois de mars, tout le Cambodge s’y est mis officiellement à partir du mois de mai. « Bien sûr que cette manière de faire n’est pas la meilleure et ne peut pas remplacer les cours en présence des élèves mais j’ai, malgré tout, trouvé que c’était une expérience intéressante pour le Cambodge, s’enthousiasme Martin Maindiaux. A ma grande surprise, certains élèves ont fait des progrès remarquables grâce à ces nouvelles méthodes. » C’est le cas de Chinh, un élève du centre de Sisophon. « Quand je lui ai demandé comment il avait fait, il m’a expliqué que, quand il ne comprenait pas, il pouvait regarder plusieurs fois la vidéo alors qu’en classe, il ne peut pas redemander au professeur. Les cours en ligne sont de meilleure qualité et plus pédagogiques. »
A l’inverse, pour les étudiants d’université, le retour dans les villages est parfois difficile. « Nos étudiants ont des cours en ligne qu’il leur est bien difficile de suivre dans les provinces où la connexion est défaillante. Beaucoup d’entre eux ont perdu l’habitude de parler en anglais ou en français ; ils se motivent assez peu pour étudier en ligne et lorsqu’ils se connectent c’est via leur téléphone. Leurs conditions de vie ne sont pas vraiment propices aux études : leurs parents souvent peu instruits ne comprennent pas l’investissement que demandent les études supérieures et les étudiants doivent souvent travailler avec eux pour aider la famille », explique Agathe Ducellier, volontaire Bambou au centre docteur Christophe Mérieux.
L’apprentissage en ligne a donc ses limites dont la première est qu’elle isole les enfants : « Mes amis me manquent ! », entend régulièrement Martin quand il doit expliquer à tel ou tel qu’il ne peut pas encore retourner dans son foyer. « La force des foyers créés par Enfants du Mékong, c’est l’amitié et une belle fratrie issue des 4 coins de la région ! C’est très important pour tous ces enfants qui ont souvent des problèmes familiaux et sont très isolés dans leurs villages », insiste Martin qui essaye de convaincre le gouverneur de sa région de l’urgence de rouvrir les foyers scolaires. « Nous avons beaucoup tourné dans les villages ces derniers mois pour maintenir le lien entre les jeunes, Enfants du Mékong, leurs familles et les écoles. Ces liens sont essentiels mais cela ne suffit pas. Tous nos filleuls veulent rentrer ! » Rentrer à Sisophon, rentrer au centre docteur Christophe Mérieux, un peu comme on rentre dans sa deuxième maison, pour retrouver des amis, une plus grande famille encore et surtout la chance de retourner à l’école !
Si le Cambodge et la région de Battambang se développent, certaines familles vivent encore dans des conditions misérables.
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