Bouddha : petite initiation au langage de la pierre
L’homme aurait eu 547 vies et serait un prince historique d’un royaume indien mais devenu aussi une icône pop. Il est à l’origine de la quatrième religion mondiale la plus pratiquée sans compter les nombreux adeptes de sa philosophie. La figure du Bouddha est une source infinie d’inspiration en Asie et dans le monde entier. À travers une série d’articles consacrés au bouddhisme, Asie Reportages vous propose un décryptage de ses traditions religieuses, spirituelles, intellectuelles, politiques ou artistiques. Dans ce numéro, Thierry Zéphir, ingénieur d’étude au Musée National des Arts Asiatiques Guimet (MNAAG) et commissaire de l’exposition Bouddha, la légende dorée, revient sur les différentes représentations du Bouddha dans l’iconographie religieuse et leurs significations.
Propos recueillis par Antoine Besson
Rangoun, 19 heures. La nuit est déjà tombée sur la capitale birmane et la grande pagode Shwedagon s’illumine de milliers de petites lampes à huile qui cernent l’immense stupa (le dôme doré central) du temple.
Bouddha aurait eu 547 vies et serait un prince historique d’un royaume indien, mais il est également devenu une icône pop
Les visiteurs affluent, mélange bigarré de touristes et de croyants venus tous se recueillir devant les statues qui parsèment l’esplanade du temple. Les uns saisissent à la volée des clichés des sages de pierres et de leurs fidèles, admirant les représentations du Bouddha figées dans la pierre. Les autres, tout en brûlant de l’encens, méditent en un silence fervent, faisant abstraction de l’agitation alentour.
Quiconque a pénétré une fois dans un temple ou une pagode en Asie en connaît l’ambiance étrange et feutrée. Mélange de calme propice à la médiation et luxuriance des représentations de la vie du Bouddha. Qu’il s’agisse de peintures aux couleurs vives rehaussées de feuilles d’or, de statues de toutes tailles et de tous matériaux plus ou moins précieux, ou encore de bas-reliefs, l’art religieux est un élément fondamental du bouddhisme.
« À partir d’un socle iconographique originaire de l’Inde, puis diffusé dans l’ensemble des pays asiatiques, la mise en images de la vie du Bouddha historique constitue une part essentielle des arts religieux du monde extrême-oriental, confirme Thierry Zéphir, commissaire de l’exposition Bouddha, la légende dorée qui s’est tenue fin 2019 au Musée National des Arts Asiatiques Guimet. L’ultime existence terrestre de celui que l’on désigne comme l’Éveillé (Bouddha), le Bienheureux (Bhagavant) ou encore le Sage du clan des Shakya (Shakyamuni), a donné lieu à d’innombrables œuvres révélant la richesse des traditions iconographiques et stylistiques de la quatrième religion au monde en nombre de fidèles. Contant le destin d’un homme aux qualités intellectuelles et morales exceptionnelles, le récit de la vie du Bouddha, entre histoire et mythologie, se déroule telle une geste de l’esprit, tour à tour concrète et banale, miraculeuse et transcendante. »
L’enjeu de la richesse de ces expressions artistiques est la transmission, à travers les grandes étapes de la vie du Bouddha, de son enseignement en vue de l’élévation de chacun. Ainsi, le bouddhisme, religion de l’initiation par excellence, intègre jusque dans ses représentations artistiques cette notion de transmission du savoir : le visiteur qui entre dans un temple ou croise sur son chemin une représentation du Bouddha pourrait bien passer à côté de sa signification s’il n’est pas initié à la symbolique bouddhiste.
Les postures du Bouddha
Posture d’entrée dans le nirvana
À Bangkok, en visitant le célèbre temple Wat Pho, les visiteurs sont invités au chevet d’une monumentale statue d’un Bouddha couché de 46 mètres de long.
« Il existe quatre asanas, c’est-à-dire postures principales, pour les représentations du Bouddha : debout, assis marchant et couché, nous explique Thierry Zéphir. La position couchée se rapporte à l’entrée du Bouddha dans le nirvana. »
Le nirvana, c’est l’étape ultime et la finalité de tout adepte du bouddhisme : atteindre l’éveil et échapper à la suite d’innombrables réincarnations, cause de souffrances. A travers ces statues, les croyants adorent donc l’aboutissement de la voie du Bouddha.
Mais la plus célèbre des représentations du Bouddha, et la plus courante, est sans doute la position assise. C’est la position de la méditation, clef de voûte de l’enseignement bouddhiste qui, à travers cette pratique, encourage ses fidèles à en finir avec leurs désirs et leur ignorance. Le Bouddha est généralement figuré jambes croisées, selon deux variantes principales : virasana. Les jambes sont placées l’une sur l’autre et une seule plante de pied est visible. « Cette posture est dite héroïque, précise l’expert du musée Guimet. L’autre posture fréquemment illustrée est celle du lotus : padmasana. Les jambes sont alors étroitement croisées, comme nouées au niveau des chevilles, et les deux plantes des pieds sont visibles. »
La position debout est dite samapada « Les pieds sont placés parallèlement l’un à l’autre et les jambes parfaitement tendues. Par ailleurs, lorsqu’un genou est fléchi et que le corps se déhanche discrètement, elle est désignée par le terme abhanga, c’est-à-dire en légère rupture. » Lorsque le Bouddha est ainsi représenté, la position est plus solennelle. « Cette posture figure le Bouddha « en majesté » aussi bien princière que spirituelle, renchérit le spécialiste » Les positions des mains sont alors à observer avec attention car comme lorsqu’il est assis, ces gestes (les mudra : voir notre encadré) font référence à des moments-clefs de l’enseignement ou de la vie du Bouddha.
La posture la moins courante dans les représentations du Bouddha est l’attitude de la marche. Elle est plus souvent représentée en Thaïlande.
« La posture la moins courante dans les représentations du Bouddha est l’attitude de la marche » indique Thierry Zéphir. Rare, quoique plus souvent représentée en Thaïlande, elle correspond à un épisode précis de la vie du sage : celui de la descente du ciel des trente-trois dieux.
Descente du ciel des 33 dieux, dans l’attitude de la marche
Pendant sa retraite d’été annuelle, Bouddha part au pays des trente-trois dieux, appelé ainsi parce qu’il y a trente-trois types différents de dieux. Le roi de ce pays, Indra, était aussi un disciple de Bouddha et il lui demande de venir en aide aux autres dieux qui vivent là. Bouddha s’y rend notamment pour venir secourir sa mère qui, après sa mort, s’est réincarnée en dieu. Il restera trois mois. Ce passage est un moment important dans l’histoire du Bouddha car il atteste que la voie du bouddhisme vers l’Éveil est une voie supérieure utile même aux dieux hindouistes qui sont prisonniers, comme les hommes, de la suite des réincarnations.
Mieux que toutes les démonstrations, ces représentations religieuses veulent nous transmettre un message : la voie du Bouddha est pour tous !
BOUDDHA : LA LÉGENDE DORÉE, , sous la direction de Thierry Zéphir, Lienart, 240 p., 32 €
Les gestes symboliques de Bouddha : SIX MUDRA, GESTES PARTICULIÈREMENT SIGNIFICATIFS DE SON ENSEIGNEMENT ONT ÉTÉ RÉGULIÈREMENT REPRÉSENTÉS POUR PARACHEVER LE SENS PROFOND DES FIGURATIONS DU BOUDDHA.
Mains posées l’une sur l’autre, dans le giron. C’est le geste de la méditation. Ce geste est caractéristique de deux périodes de méditation durant la vie de Bouddha. Le premier pendant sa pratique des austérités extrêmes. Il discerne alo[…]
La dhyanamudra
Main levée, paume dirigée vers le fidèle et doigts pointés vers le haut. C’est le geste de l’absence de crainte. Cette mudra évoque l’épisode où le Buddha fut attaqué par un éléphant furieux dans les rues de Rajagriha. L’animal, réputé p[…]
L’abhayamudra
Main baissée, paume dirigée vers le fidèle et doigts pointés vers le bas. Ce geste caractérise le don, l’accueil, l’offrande ; l’ouverture vers le bas montre que le bouddha ne garde rien enfermé dans sa main et que tout ce qui s’y trouve[…]
La varadamudra
Main baissée, dos tourné vers le fidèle et doigts pointés vers le bas. Lorsque ce geste est celui d’un Bouddha assis, il s’agit du geste de la prise de la terre à témoin. Il fait référence à un épisode qui précède l’Éveil de Bouddha. En […]
La bhumisparshamudra
Mains réunies devant le torse à hauteur du buste et maintenant virtuellement la roue de la Loi. C’est le geste de la mise en branle de la roue de la Loi, faisant explicitement référence à l’enseignement du Bouddha. C’est pourquoi il est […]
La dharmachakramudra
Main levée, pouce et index joints est le geste de l’argumentation. Ce geste est complémentaire du geste de l’enseignement. Il représente l’explication ou l’argumentation de la doctrine, autrement dit la sagesse du Bouddha.
Il y a cinquante ans, le 17 avril 1975, les Khmers rouges triomphants entraient dans Phnom Penh. Commençait alors pour le Cambodge, quatre années d’une dictature et d’une idéologie meurtrière dont l’ambition avouée aura été de façonner une nouvelle société cambodgienne en annihilant tout le reste.
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Antoine BessonRédacteur en chef du magazine Asie ReportagesContact
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