Vous êtes un familier du Vietnam. Quelle image gardez- vous du temps passé là bas ?
J’ai vécu deux ans au Vietnam au tout début de mon mariage, dans les années 2000. Envoyé comme coopérant pour enseigner le français à des professeurs en formation, j’y ai fait des découvertes incroyables, comme lors de cette randonnée dans les montagnes du nord, aux confins de la Chine. C’est un territoire ethnique d’une fascinante richesse. Chaque vallée était un univers entier à elle toute seule. En une journée de marche, nous rencontrions trois peuples, trois cultures et même trois langues différentes. Aucun romancier n’oserait inventer un patchwork d’une telle richesse humaine aussi concentrée. L’envers de cette richesse, c’est aussi la fragilité de ces ethnies qui se savent très surveillées par les autorités et subissent une intégration forcée au modèle dominant. Je me rappelle aussi une école atypique dans la baie d’Ha Long. C’était un radeau flottant avec un tableau noir qui accueillait les enfants des îlots voisins et des maisons flottantes alentour. Beaucoup de ces enfants devaient travailler comme pêcheurs avec leurs parents. Ils menaient presque des vies d’adulte mais l’école était leur récréation. C’était leur liberté.
Justement, 16 % de la population mondiale ne sait ni lire ni écrire. Pour l’auteur et l’ancien professeur que vous êtes, qu’est- ce que la lecture apporte à la vie?
La lecture, c’est l’accès à la liberté, à la vérité et à l’ailleurs. Dans un de mes livres, Capitaine Rosalie qui se déroule pendant la guerre de 1914-1918, mon héroïne est une petite fille dont le père est parti au front. Elle sait que son père envoie des lettres que les adultes lui lisent en déguisant la réalité. Dès le début, elle se donne donc une mission secrète : apprendre à lire pour découvrir la vérité. Ce roman est souvent présenté comme un récit autour de la guerre mais pour moi, c’est beaucoup plus un livre sur l’importance de cet accès à la lecture comme voie privilégiée vers la vérité.