« Je suis né mendiant, mais je ne suis pas pauvre »

Tous les vendredis, retrouvez « L’Espérance au cœur », la chronique d’Enfants du Mékong par Antoine Besson, journaliste et rédacteur en chef du magazine ‘Asie Reportages‘.

Le podcast :

 

La chronique :

« Bonjour chers auditeurs,

J’ai eu la joie de retrouver lundi à Paris un ami rencontré en Birmanie il y a quelques temps. Naw Ja est un Birman issu de l’ethnie Jingpo qui vit dans l’état Kachin au Nord du pays. Un jeune homme extraordinaire dont la vie – encore courte mais déjà pleine de très beaux succès – n’a été qu’une succession de combats. Né dans la plus grande pauvreté, il s’est battu pour étudier et obtenir un diplôme, pour faire survivre sa famille alors que son père avait disparu pendant 12 ans et que son frère aîné dérivait sous l’emprise de l’opium. Il s’est battu pour lui et pour les siens mais sans oublier son peuple. Fort de son succès dans les études, Naw Ja a décidé très tôt d’offrir la même chance à d’autres qui vivent les mêmes difficultés que lui plutôt que de s’enrichir. C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés.

Naw Ja ©Enfants du Mékong
Naw Ja ©Enfants du Mékong

Avec l’aide de Fanny Cheyrou, journaliste à Panorama, il livre son histoire et nous offre une analyse sincère et inédite de ce que vivent les Birmans aujourd’hui, à un carrefour de leur histoire dans son livre La liberté s’apprend. Loin du récit dominant des médias occidentaux qui célèbrent un pays enfin démocratique ou bien vilipendent un gouvernement insensible à la cause de rohingyas, Naw Ja nous raconte son pays avec toutes les nuances de l’expérience. Une lecture puissante aux accents de vérité mais aussi pleine de sagesse et de foi. Je vous en livre ici un extrait :

À l’école, j’ai toujours été le pauvre. Certains enfants me regardaient avec dégoût. Je savais que j’étais le pauvre, car tout m’y renvoyait, tout le monde me le répétait. Les gens du village nous regardaient de haut, mes frères, ma mère, ma sœur et moi.

« Je suis né mendiant, mais je ne suis pas pauvre. Ma liberté a été de mendier. J’ai mendié de l’amour et de la reconnaissance, mais je n’ai jamais mendié d’argent. Je ne me suis jamais plaint. Le plus grand des mendiants est celui qui garde la Foi. C’est celui qui se laisse nommer « le pauvre », alors qu’il n’en est pas un. Le mendiant est rempli de prières, ses mains accueillent le ciel. C’est un aventurier de l’éternité, un aventurier dont personne ne veut parler. […]

Devant Dieu, nous sommes tous des mendiants. Nos souffrances et nos quêtes les plus enfouies se révèlent à nous de manière douloureuse, comme un signe de la présence de Dieu. Les plus malins trouvent des richesses matérielles pour s’en éloigner. Ce sont des comédiens qui peuvent se permettre de payer et de ne pas aimer. Mais un jour, la mort les cueille et les ramène au rang des honnêtes mendiants. […] »

Antoine Besson, journaliste et rédacteur en chef du magazine « Asie Reportages »