« Elle est sous le soleil quand je suis sous la lune »

J’ai pu rendre visite à ma filleule Miragold à Baggao, aux Philippines, le 27 mars dernier. Je suis arrivé à Tuguegarao la veille en début d’après-midi, où j’ai pu découvrir le centre d’Enfants du Mékong.

« J’ai pu rendre visite à ma filleule Miragold à Baggao, aux Philippines, le 27 mars dernier.

Je suis arrivé à Tuguegarao la veille en début d’après-midi, où j’ai pu découvrir le centre d’Enfants du Mékong à Tuguegarao. J’y ai rencontré Sophie et Loïc, les deux bambous, et les étudiants du centre. Ils étaient tous assis en cercle en train de débattre suite au film Forrest Gump qu’ils venaient de voir. J’ai été chaleureusement accueilli et ils m’ont tout de suite fait une place dans le cercle. J’ai été impressionné par l’intelligence et la maturité de ces étudiants, ainsi que leur niveau d’anglais. Et surtout, ce qui ressortait le plus était leur bienveillance, cette affection et ce respect qu’ils se portent les uns aux autres. L’ambiance était formidable, comme une grande famille.

Le lendemain matin, nous sommes partis tous les trois, avec Sophie et Loïc, pour Baggao, à deux heures de route. Ce temps de voyage nous a permis de discuter tous les trois, ils m’ont notamment raconté leur rôle et celui du centre de Tuguegarao. Ces discussions étaient vraiment intéressantes et les deux bambous vraiment gentils. Nous avons traversé de superbes paysages de plaines et de rizières avant d’attaquer la seconde partie de la route qui n’est pas goudronnée. Le paysage a changé, plus montagneux, avec des rivières au fond de vallées encaissées et des cailloux jonchant la piste de terre.
Nous arrivons finalement devant le portail de l’école à Baggao. J’ai du mal à y croire. Depuis quatre ans que je parraine cette jeune fille du bout du monde, j’ai essayé, au fil des lettres, d’imaginer sa vie, son quotidien, les lieux qu’elle fréquente, le son de sa voix. Toute un monde en imagination. Aujourd’hui ce portail d’école est bien réel, et derrière lui se trouve ma filleule en chair et en os. Je suis excité et impatient.

Le parrain avec la famille de sa filleule

Nous arrivons dans le bureau de Ma’am Mercy qui nous dit qu’elle va chercher Miragold. S’en suit un temps qui m’a semblé interminable, pendant lequel j’étais très excité mais aussi très intimidé. Et puis finalement, elle est arrivée. La même petite bouille que sur la photo du dossier de parrainage quatre ans plus tôt. Mais elle était toute petite et frêle, elle fait beaucoup plus jeune que son âge, je ne m’y attendais pas. Et elle était vraiment très intimidée, n’osant pas croiser mon regard avec le sien et répondant uniquement « yes sir » à mes questions.
Nous ressortons de l’école avec Miragold et Ma’am Mercy puis ma filleule nous emmène voir sa boarding house qu’elle peut louer grâce au parrainage, en colocation avec d’autres étudiantes. J’ai découvert un lieu plutôt grand et bien équipé par rapport aux autres boarding houses philippines que j’ai pu voir, et où elle dispose d’une chambre privative assez spacieuse. J’était content de voir cela et touché qu’elle me laisse voir son lieu de vie à elle.
En ressortant, nous rencontrons Catherine, la mère de Miragold, qui est venue nous rejoindre avec Claudin, la petite sœur de Miragold.
Nous déjeunons tous au restaurant, l’occasion de discuter un peu plus avec tout le monde, mais Miragold est toujours timide. Après cela, nous prenons des moto-tricycles pour nous rendre au hameau où habitent ses parents. Toujours une piste de terre et de cailloux, au milieu des rizières avec les montagnes en toile de fond.

Après une bonne vingtaine de minutes, nous arrivons en plein champ, où un minuscule chemin nous amène dans une trouée au milieu du maïs, et où se trouve un petit hameau. Je prends soudain conscience à quel point ce parrainage est nécessaire. La « maison » familiale est une cabane en bambou de quatre ou cinq mètres carrés, une minuscule pièce où toute la famille dort sur des couvertures. Un petit abri devant, et c’est tout. Pas d’électricité ni d’eau courante (un puits à proximité) et rien pour cuisiner, juste un feu de bois fait à même le sol. J’avais beau m’attendre à de la pauvreté, je n’imaginais pas cela. Sophie me dit que la famille Jadol est l’une des plus pauvres du programme. Malgré tout, je tombe sur des photos de moi et de mon ex-femme au beau milieu du mur de bambou, retrouvailles assez étranges au beau milieu des Philippines.
Je fais la connaissance de Christopher, le petit frère de Miragold, et de son père Juanito. Et aussi la grand-mère. Je sors les cadeaux pour les enfants de la famille, des tee-shirts « J’aime Paris » et autres souvenirs de touristes, et surtout des jeux (cordes à sauter, jeu de raquettes, etc…). J’ai joué aux raquettes avec toute la fratrie et c’est ce qui nous a permis d’enfin briser la glace.

Le parrain et sa filleule

Après avoir bien joué, discuté et apprécié la quiétude du lieu, nous reprenons les motos-tricycles pour retourner dans la ville de Baggao. Miragold veut nous montrer l’université où elle veut étudier l’année prochaine. Elle est à côté de l’école et est encore partiellement en construction. Miragold a soudainement les yeux qui brillent quand elle entre dans l’établissement et me présente les lieux. C’est beau de voir cette envie et cet espoir se manifester sur son visage. Nous discutons un peu avec le doyen qui nous détaille le déroulé futur des travaux.
Puis nous retournons à l’école de Miragold où les élèves désertent la cour pour rentrer chez eux. Miragold m’enjoint soudain, d’une manière douce mais qui n’appelle pas de réponse, à m’assoir sur un banc. Je m’exécute. Et, pendant que les bambous et la responsable du programme discutent entre eux un peu plus loin (sans pour autant me perdre des yeux), ma filleule vient s’assoir près de moi, à bonne distance quand-même, et s’ouvre enfin. Comme si elle avait patiemment attendu depuis onze heures du matin d’être enfin seule avec moi, à l’abri des autres oreilles, pour vaincre sa pudeur.
Cela fut bref, quelques mots, mais l’émotion partagée à ce moment est pour moi inoubliable.

Je l’ai vue émue, touchée, quand elle m’a remercié pour ce que je faisais, et encore plus quand je lui ai dit que je continuerai jusqu’au bout. J’ai eu l’impression qu’elle ne trouvait pas les mots pour exprimer toute sa reconnaissance, mais j’ai bien senti que l’émotion était là.
La présence de sa famille à ses côtés est très importante pour elle, et elle n’envisage pas de partir pour étudier ailleurs. J’ai voulu la rassurer en lui disant que si toutefois elle souhaiter partir ailleurs, je la soutiendrais aussi.

Elle veut devenir professeur d’anglais pas parce qu’elle est bonne en anglais mais parce qu’elle veut perfectionner son anglais ! Enfin ça c’est ce qu’elle dit, parce qu’à l’école je sais qu’elle est bonne en anglais, et que ses résultats dans toutes les matières sont très bons.
Son dernier examen de l’année devait avoir lieu le jour-même mais la responsable a proposé de le décaler au lendemain, du fait de ma venue. Je sais que l’examen s’est probablement bien passé car elle a eu son année et commencera donc des études pour devenir professeur d’anglais l’année prochaine, mais ça vous le savez déja. Elle a du également aller au bal du lycée avec sa robe et ses talons qu’elle a pu s’acheter, m’a dit Ma’am Mercy, grâce aux suppléments de dons que je donne pour son anniversaire et noël.
Miragold et Claudin nous ont raccompagnés jusqu’à la gare de vans avant de nous dire simplement au revoir. Je pense que je reviendrai la voir, mais je n’en ai rien dit.
Le soir j’ai dîné au centre Enfants du Mékong de Tuguegarao avec les bambous et tous les étudiants. C’était un très beau moment de partage et de joie de vivre. Les discussions et les partages bienveillants avec ces étudiants si chaleureux étaient un bonheur.

Ces moments très forts en émotions, je ne les oublierai jamais, et c’est grâce à vous (ndlr., l’équipe Enfants du Mékong), que j’ai pu les vivre. Donc merci beaucoup à vous, surtout à ma chargée de pays, qui est toujours disponible et très à l’écoute depuis ces quatre ans. Merci à toute l’équipe d’Asnières et aux équipes sur le terrain, particulièrement Sophie et Loïc à Tuguegarao, qui font un très bon travail dans le centre et m’ont très agréablement accompagné et soutenu au cours de cette visite.

Je pense souvent à ma filleule, à 10 000 kilomètres de moi, qui est sous le soleil quand je suis sous la lune. Dans les épreuves aussi, je pense à elle. Elle est comme un pilier, un espoir, une lueur qui brille toujours là-bas, peu importe ce qu’il se passe ici. Cela fait tellement de bien d’aider. Cela lui fait du bien à elle, et à moi aussi.

Je me réjouis toujours qu’Enfants du Mékong existe. Merci.

Et à bientôt, car j’ai encore au moins quatre ans à parrainer Miragold, pour mon plus grand plaisir ! »

Un parrain heureux d’une jeune Philippine !