COVID et après ?

Si la crise sanitaire liée à la COVID 19 n’a fait que peu de morts en Asie du Sud-Est (hors Indonésie), les conséquences d’une crise économique à venir pourrait bien accélérer les inégalités déjà importantes dans la zone de l’ASEAN. Décryptage de Jean-Raphael Chaponnière, ancien économiste du département Asie de l’Agence Française de Développement et collaborateur du média Asialyst.

Propos recueillis par Théophile Laurent

La première conséquence de cette crise est évidemment sanitaire mais dans le cas de l’Asie du Sud-Est, force est de constater que le nombre de malades et de morts est très faible alors même que certains pays de la zone comme le Vietnam, le Laos ou la Birmanie ont des frontières poreuses avec la Chine, à l’origine de la pandémie.

Cette faible contamination s’explique notamment par la démographie. Comme en Afrique, les populations de ces pays sont plus jeunes et ont connu de nombreuses épidémies par le passé. La faible représentation des populations à risque et la densité démographique relativement faible dans certains pays comme le Laos, la Birmanie et le Cambodge, limitent la propagation du virus.

Toutefois trois pays font figure d’exception à ce schéma : la Thaïlande, les Philippines et le Vietnam. Tous trois sont des pays fort peuplés dans lesquels le vieillissement de la population est plus important et qui présentent des taux d’urbanisation bien plus élevés que dans le reste de l’Asie du Sud-Est.

Au Vietnam, on doit la gestion de la crise à l’organisation territoriale et au suivi des communautés que le PCV a hérité d’une tradition plus ancienne. Le gouvernement a réagi très tôt et le réseau de responsables de quartier y est redoutablement efficace.

La Thaïlande qui ne bénéficie pas d’un maillage territorial aussi rigoureux, a compensé par la rigueur de sa gestion, avec son système de santé décentralisé établi dans les années 1960, et la mise à disposition d’un grand nombre de tests. Il ne faut pas oublier qu’en Asie, les gens sont habitués à porter un masque dans les transports, et sont culturellement plus enclins à respecter les consignes de distanciation sociale. Alors qu’on aurait pu leur prédire le pire scénario, le Vietnam et la Thaïlande ont ainsi su contenir de manière remarquable le virus.

Les Philippines enfin, qui présentent des caractéristiques démographiques similaires, ont eu plus de difficultés à limiter la contamination. Le pays ne partage pas la rigueur des deux autres, mais a surtout manqué de chance : la ville de Davao, située sur l’île de Mindanao est jumelée avec Wuhan, l’épicentre du virus et le patient 0 (un couple de touristes chinois) a contaminé 400 personnes !

La crise sanitaire sera cependant doublée d’une crise économique provoquée par le confinement qui a arrêté la production et la consommation et qui sera prolongé par la récession mondiale. Rien de comparable à la crise de 1998. Le meilleur indicateur, pour les pays du Sud, est la résilience de l’économie chinoise et la stabilité des taux de change. Cela démontre que nous traversons une crise d’économie réelle davantage liée à la conjoncture économique mondiale qu’à la structure du modèle économique. D’un point de vue macroéconomique, il n’y aura pas de crise profonde mais un ralentissement qui se résorbera avec la reprise de l’économie mondiale. A l’échelle des individus cependant, les populations les plus pauvres dont les emplois dépendent souvent de l’économie informelle et qui ne disposent d’aucune trésorerie sont lourdement touchées par les mesures de confinement comme la fermeture des frontières (cf. Zoom ci-contre).

Seules la paralysie des transports, la fermeture des frontières et les mesures sanitaires qui seront prises pour éviter une nouvelle vague de contagion, auront des conséquences durables sur le tourisme, un secteur essentiel dans des pays comme le Cambodge ou les Philippines pour n’en citer que deux. Il est prévisible que la crise de la COVID modifie nos habitudes de déplacement tout comme ce fut le cas après les attentats en 2001. Si les frontières, qui ont été fermées par mesure de sécurité, vont probablement lentement rouvrir, on peut s’attendre à ce que les flux de personnes ne soient pas aussi faciles qu’auparavant. L’avenir dira comment ces évolutions pèseront sur l’économie des pays touristiques de l’Asie du Sud-Est.

Un aspect va nuire à la fois à l’économie réelle et au PIB : c’est la chute du transfert de migrants. La diaspora philippine par exemple est très importante et le pays envoie de très nombreux travailleurs au Moyen Orient, en Chine ou à Singapour. L’argent qu’ils renvoient dans leur pays assure souvent un mode de vie confortable à leur famille. La Thaïlande et la Malaisie représentent, quant à elles, des terres d’opportunités pour les pays voisins plus pauvres comme la Birmanie et le Laos. Nombre d’entreprises thaïlandaises sont délocalisées le long de la frontière birmane pour jouir de cette main d’œuvre et faciliter les transferts. À cause de la crise de la COVID, des milliers de travailleurs irréguliers dans le textile ou la construction ont perdu leur emploi et ne peuvent plus envoyer d’argent à leurs familles en Birmanie ou au Laos. C’est à la fois une perte majeure pour l’économie du pays et pour les familles concernées.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l'impact de la COVID19 sur les populations d'Asie du Sud-Est :

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