« Un tournant décisif du parrainage : la rencontre avec ma filleule Jellian et sa famille aux Philippines… »

Jellian et son parrain Philippe

Philippe parraine Jellian depuis 2 ans. Il est allé rencontrer la jeune fille et sa famille, dans la région de Bicol, à 10 heures de bus de Manille.

« Un tournant décisif du parrainage : la rencontre avec ma filleule et sa famille. Loin de la simple visite de courtoisie que j’imaginais, voir Jellian en chair et en os est une véritable révélation. La lointaine correspondante avec qui quelques échanges de lettres et de photos n’avaient créé jusque-là qu’un lien assez formel est devenue en un instant une vraie personne, une personnalité sensible et attachante. La solidarité entre le parrain et sa filleule s’est matérialisée dans une profonde confiance mutuelle.

Je suis agréablement surpris par la présence et la repartie de cette jeune adolescente qui vient de fêter ses seize ans. Souriante et gaie, elle répond avec spontanéité et intelligence aux nombreuses questions que nous lui posons avec Lise, la volontaire « bambou » et Clément (directeur pays pour Enfants du Mékong), plus habitués que moi et donc moins intimidés devant l’extrême pauvreté de cette famille. Ses parents ne parlent pas un mot d’anglais mais réagissent par des rires aux traductions en tagalog (dialecte philippin) de l’assistante sociale qui nous accompagne. Ils sont manifestement très fiers de leur fille qu’ils décrivent comme « joyeuse ». Lorsqu’on leur demande ce qu’ils souhaitent, leur réponse justifie à elle seule ce parrainage : que leurs enfants ne vivent pas plus tard la même vie qu’eux.

La maison familiale, à Libmanan, dans la région de Bicol.

Lorsqu’on demande aux parents de Jellian ce qu’ils souhaitent, leur réponse justifie à elle seule ce parrainage : que leurs enfants ne vivent pas plus tard la même vie qu’eux.

De fait, dans la petite maison aux murs de bambous et au toit de tôle ondulée, de minces cloisons de nattes tressées séparent quatre minuscules pièces: celle où nous nous trouvons où les deux bancs servent de lits la nuit aux garçons, la chambre des parents, celle des filles et le reste de l’espace couvert où un foyer de bois permet de cuisiner. Deux ampoules sont alimentées par un panneau solaire sans doute offert à l’occasion d’une campagne électorale dont une petite affiche est placardée à côté de l’entrée. L’absence d’eau, qu’il faut aller chercher à une cinquantaine de mètres, dit tout de ces conditions de vie les plus sommaires où la dense végétation environnante sert de toilettes. Le sol de gros galets de boue sèche suit la pente du terrain et l’on doit garder ses chaussures dans cette habitation, contrairement à l’usage local. L’étroit sentier qui mène au village et que Jellian emprunte tous les jours pour aller à l’école serpente et grimpe dans un paysage verdoyant parmi les arbustes et les cocotiers. On imagine assez facilement , en voyant des trous dans la tôle du toit, que ce cadre bucolique prend un tour tout différent à la saison des pluies. On mesure surtout avec effroi la fragilité de cette masure sous le souffle d’un typhon…

Bref, je prends conscience à travers cette visite de la vraie portée de ce parrainage : c’est toute une famille qu’avec EDM nous aidons. Cette ribambelle d’enfants dont les grands yeux rieurs nous suivent en permanence me fait comprendre que le travail du père, ouvrier agricole, ne permettrait pas sans ce soutien financier de les envoyer à l’école. Jellian, parce qu’elle est douée et a déjà montré avec de très bonnes notes qu’elle a du potentiel, porte les espoirs de toute sa famille. Elle assume cette responsabilité avec une maturité qui fait mon admiration. L’initiative d’Enfants du Mékong, la démarche qu’elle a appris à connaître dans les réunions mensuelles avec les autres filleuls, et à laquelle elle adhère avec courage, est un cercle vertueux. Elle a conscience des efforts nécessaire qui vont la rendre de plus en plus forte pour atteindre son rêve.

Le papa de Jellian est ouvrier agricole dans les cultures de riz mais ne travaille qu’en fonction de l’offre. C’est un travail pénible et très irrégulier qui lui assure en moyenne deux jours travaillés par semaine, pour environ 4,50 euro.

Sur ce point, j’observe avec satisfaction une évolution : alors que dans ses premières lettres elle disait vouloir être policière, un rêve de petite fille peut-être choquée par des violences auxquelles elle aurait assisté, elle affiche maintenant le souhait de s’orienter plus tard vers l’enseignement. Elle montre un vrai intérêt pour les études, et remet à plus tard le choix d’une filière. Je sais que mes encouragements pourront l’aider et cette visite en est un. Elle est visiblement émue lorsque nous la quittons. Sans doute a-t-elle conscience autant que moi de la fragilité de cet attelage que nous formons ensemble pour aider sa famille. La pente est raide et les périls nombreux. Je suis moi-même ému devant tant de courage, et surtout remué par les terribles difficultés affrontées avec dignité par cette famille. Heureusement, la présence attentive de la volontaire « bambou » et de l’assistante sociale auprès d’elle sont là pour me rassurer. Quoi qu’il arrive, Enfants du Mékong ne les laissera jamais tomber.

là ?

ILS ONT RENCONTRÉ LEURS FILLEULS