Podcast : Dernières nouvelles de Birmanie

Le point sur l’actualité et les actions d’Enfants du Mékong avec Anne Monmoton, notre responsable Birmanie.

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Point d'actu sur la Birmanie

La Birmanie a ému le monde entier il y a quelques semaines, suite au terrible massacre dans l’état Kayah. Mais ce n’est malheureusement pas un fait isolé. Grèves, exactions, appauvrissement de la population, difficulté de l’accès aux soins, et risque de décrochage scolaires élevés… la Birmanie sombre petit à petit dans le chaos.

Entretien avec Anne pour parler de l’actualité du pays, et des actions d’Enfants du Mékong dans ce contexte tendu. Anne est responsable de la Birmanie pour Enfants du Mékong, un pays qu’elle connaît bien puisqu’elle s’y rend – habituellement – deux fois par an, mais aussi parce qu’elle est en contact tous les jours avec les responsables de programme birmans, qui assurent le suivi des filleuls.

 

Extrait

Victoire : La Birmanie a fait beaucoup parler d’elle dans la presse après le massacre qui a eu lieu dans l’état Kayah. Que s’est-il passé et est-ce que c’est un fait isolé ?

Anne : Ce massacre a eu lieu le 24 décembre. Il s’agit de représailles des forces armées, la Tatmadaw suite à un affrontement entre les militaires et les forces de défense karenni. Ils ont tué et carbonisé qui ont été retrouvés dans les voitures. Ça a été médiatisé parce qu’il y’avait deux staff sociaux de l’ONG Save the Children qui faisaient partie des victimes. Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé, surtout dans l’état Chin et l’état Karen ou il y a régulièrement ce type d’exactions. […] Il y a a peu près 11.000 personnes qui ont été arrêté depuis le début de la crise. […] Les maisons sont brûlées, les gens fuient face à l’arrivée des militaires.

Victoire : Ces exactions, c’est le cas depuis le coup d’état du 1er février ?

Anne : Depuis que la résistance s’organise dans l’optique défense, c’est-à-dire depuis le mois d’avril. Avant, le mouvement de protestation suite au coup d’État, c’était des manifestations pacifiques de millions de personnes. Ça a basculé petit à petit à partir du mois d’avril, et ça s’intensifie depuis septembre parce que le gouvernement dissident qui refuse l’arrivée des militaires, a appelé ouvertement la population à se rebeller en prenant les armes. Et en représailles, les militaires début novembre, ont annoncé eux aussi une offensive d’ampleur pour mater la résistance.

Victoire : Dans ce contexte tendu, est-ce que nos filleuls et responsables locaux vont bien ?

Anne : Oui, les responsables locaux avec qui nous sommes en contact par les réseaux sociaux, par viber, par mail, vont bien. Les filleuls et leurs familles sont suivis, surtout dans les villages. Les jeunes qui étaient en foyer sont retournés dans leurs villages d’origine, donc le lien est un petit peu plus compliqué. Dans certaines zones internet est coupé, par exemple à l’ouest du pays, mais nos relais à Rangoun peuvent téléphoner via le réseau local. On a des nouvelles régulières.

Victoire : Pour ceux qui ne sont pas au fait de l’actualité, peux-tu nous rappeler comment les militaires sont arrivés au pouvoir en Birmanie ?

Anne : C’était le 1er février, une date facile à retenir. Les militaires ont repris le pouvoir parce que depuis novembre 2020 ils contestaient le résultat des élections qui ont été remportées à 80% par le parti de Aung San Suu Kyi, la LND (Ligue nationale pour la démocratie). […]

Victoire : La situation économique des familles birmanes, qu’en est-il ?

Anne : Très compliquée. Les responsables de programmes nous le disent régulièrement. Les prix ont énormément augmenté. La nourriture, le carburant, les opérateurs téléphoniques… La conséquence du coup d’État, mais qui a aggravé la crise du Covid, et les restrictions qui ont été mises en place en mars. […] Beaucoup d’usines ont fermé, beaucoup de gens ont perdu leur emploi, surtout à Rangoun et dans les grandes villes. Dans les campagnes, les gens ne pouvaient pas se déplacer pour aller cultiver leurs terres et vendre leurs récoltes. Le nombre de personnes vivant avec moins de 1,90$ par jour – le seuil de pauvreté – a doublé. C’est pour ça que le parrainage, même si les jeunes n’ont pas pu aller à l’école pendant un certain temps, est très utile parce qu’il permet aux familles de vivre au quotidien.

Aujourd’hui, on est retourné au niveau d’appauvrissement de 2005, avant l’ouverture et la transition démocratique en Birmanie.

Victoire : Comment ça se passe, l’école pour les filleuls ?

Anne : Cet été, les écoles ont refermé à cause du Covid, et les militaires, pour faire tourner le pays, ont décrété la réouverture début novembre mais seulement 20 à 25% des effectifs sont retournés à l’école. Les professeurs font grève pour contester le pouvoir en place. L’école est « sous protection » de l’armée donc les parents ont peur que ça dégénère. C’est aussi une façon de protester. En revanche, les responsables de programmes ont mis en place des cours complémentaires, et des programmes d’éducation à la maison dans les villages. Ils font énormément de choses pour pallier à cette absence d’école.

« L’escalade de violence qui déchire le pays n’épargne personne, et surtout pas les enfants. Face à ce constat, la communauté internationale ne peut pas se contenter de condamner par les mots. Il faut des actes concrets pour protéger les enfants de Birmanie ! » Guillaume, directeur général d’Enfants du Mékong

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Anne Monmoton
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