Posant quelques instants son sac de terre sur le sol, la jeune fille se confie sur ses projets d’avenir. Au Laos, il n’est pas rare de rencontrer des familles dont plusieurs membres présentent un handicap. Ils sont souvent dus à la pollution provenant des munitions et des restes d’explosifs largués sur le pays pendant la guerre du Vietnam. À partir de 1964, pendant neuf ans, une bombe a été lâchée toutes les huit minutes sur le Laos… Parmi celles-ci, 30 % sont enfouies dans le sol et n’ont toujours pas explosé à ce jour, ce qui explique, outre de nombreux accidents, la contamination de la terre et de l’eau dans certaines zones.
Autour de Noy, sous le hangar, quelques chiens recueillis par les sœurs montent la garde. Dehors, le soleil envoie ses derniers rayons sur le potager qui sépare le dortoir des filles du logement des religieuses. On entend au loin les couinements des petits que la truie vient de mettre bas. « Lorsque j’aurai fini l’école, je retournerai tisser dans mon village, reprend la jeune fille. Ma mère aussi était couturière. Elle est morte quand j’avais 14 ans à cause d’un problème à l’estomac qui n’a pas pu être pris en charge, faute de moyens », signe-t-elle, faisant tourbillonner ses mains avec assurance. « Au foyer, nous bénéficions d’un cadre de vie équilibré. Notre formation est assurée par de bons professeurs. Je pourrai facilement me lancer une fois rentrée chez moi et fonder une famille », déclare-t-elle avant de reprendre consciencieusement son activité. Entre les travaux de la ferme de 5 heures à 6 h 30, l’école jusqu’à 16 heures, de nouvelles heures de service jusqu’au dîner et l’étude du soir, les journées ne laissent pas beaucoup de place aux loisirs pour ces adolescentes, connectées au monde par les réseaux sociaux comme tous les jeunes de leur âge. Mais elles n’en ont pas moins conscience de leur chance : « Je dois finir mon cursus, c’est primordial », affirme Noy.
Au Laos, le tissage est un métier sûr. Il y aura toujours des demandes en tissu : chemises, écharpes, nappes, sacs, porte-bébé, sinhs, ces jupes traditionnelles de soie ou de coton que portent quotidiennement les femmes… Au foyer, les filles confectionnent des pièces magnifiques qu’elles vendent aux visiteurs, donateurs et amis de passage. En cette semaine de vacances, elles s’attellent souvent à l’ouvrage. Assises face à de grandes structures de bois, les petites têtes brunes croisent patiemment les fils horizontaux avec les verticaux, appuyant dans un rythme lent et régulier sur une pédale comme si elles jouaient du piano. Elles apprennent aussi le tressage de paniers en bambou, la cuisine et l’informatique avec les garçons qui sont aussi formés en mécanique. « La professionnalisation est à la fois un facteur d’intégration sociale, un moyen de résilience et une solution pour sortir sa famille de la pauvreté », indique Marianne, volontaire et professeur d’informatique. « Cela va de pair avec l’instruction. Pour faire marcher un commerce, il est important de savoir lire et tenir des comptes, de maîtriser l’anglais… »