La Maison Chance : un havre de paix pour les cabossés de la vie
La Maison Chance à Vinh Long
En 2020, quelques mois après l’inauguration du nouveau centre de l’association Maison Chance à Vinh Long, dans le centre du Vietnam, l’école a dû fermer ses portes à cause des mesures sanitaires liées à l’épidémie mondiale de COVID. Mais pour les quelques résidents restés sur place, la vie continue et tous s’attellent à la dizaine d’activités proposées, du programme informatique à la peinture, en passant par l’agriculture et la couture.
Du Léman à Saïgon
Dans la force de l’âge et le sourire franc, Aline Rebeaud, a dédié sa vie au soin des Vietnamiens dans le besoin. Originaire de Suisse, Aline Rebeaud naît au bord du Lac Léman, non-loin de Genève, dans une famille d’artistes et de musiciens. L’engagement de son père dans le parti écologiste suisse et la surdité de son petit frère dont elle s’occupe la prédisposent à l’altruisme.
Dès douze ans, la difficile séparation de ses parents la pousse à l’indépendance. La même année, elle publie des illustrations dans le journal de son père. A 14 ans, alors qu’elle en paraît quatre de plus, elle multiplie les petits boulots en tant que babysitter, professeur d’anglais, etc.
L’année de ses 16 ans la voit à la fois entrer aux Beaux-Arts de Genève, présenter une première exposition de peinture à l’huile, avant de tout quitter pour partir en tant qu’apprentie dans l’atelier d’André Martins de Baross, rue Lepic à Paris.
Insatisfaite de son style surréaliste, elle apprend néanmoins auprès de son maître de nouvelles techniques notamment celle du glacis.
« Toujours à 16 ans, je suis partie en Thaïlande avec un copain de vingt ans – complètement perdu », se remémore-t-elle avec amusement. A son retour elle apprend le Thaïlandais et décide de donner des cours de peinture aux handicapés mentaux et aux sourds à Paris où elle restera trois ans.
A 19 ans, lors d’une exposition personnelle intitulée « Mariage de culture », elle est conviée par la présidente de l’association Suisse-Mongolie à partir peindre des chevaux des steppes. Elle s’achète une boussole et un cheval pour 50 dollars et se lance, à l’aventure.
« J’étais une jeune femme indépendante, libre comme le vent. » confie-t-elle, l’œil brillant. S’en suit une longue série de voyages pendant lesquels Aline traverse l’Europe du Nord, la Russie, la Mongolie, la Chine, à pied, en train, en voiture, à cheval, en camion et en bateau pour finir au Vietnam.
« Je m’y suis tout de suite sentie comme à la maison, même sans parler un seul mot de la langue », confie-t-elle. Elle y vit depuis plus de vingt ans maintenant avec des centaines de malchanceux, orphelins et handicapés, qui sont devenus sa famille. La grande famille de Maison Chance est formée de personnes n’ayant qu’un point commun : un terrible destin qui aurait pu les faire sombrer, puis disparaître de ce monde… La vie en a décidé autrement.
Le Handicap dans la rue
L’incroyable histoire de Maison Chance commence dans les rues de Saigon, avec la rencontre de Dung, un jeune réfugié cambodgien à la rue qui deviendra le protégé d’Aline pendant plusieurs jours. Alors qu’elle quitte le pays pour renouveler son visa, Dung s’échappe du centre de redressement ou elle l’avait laissé. Aline part alors à sa recherche et arpente les rues, les hôpitaux, les asiles psychiatriques, et découvre les handicapés mendiants, les personnes âgées, les laissés pour compte. Dans un asile aux conditions particulièrement dures, elle fait la rencontre d’un second jeune garçon, Thanh, avec de lourds problèmes cardiaques, qu’on laissait mourir dans un coin. Sans hésiter, elle demande à le prendre en charge et l’emmène à l’Institut du Cœur pour lui faire subir une opération. Pendant trois mois, Aline reste au chevet de son nouveau protégé et, à sa sortie, emménage avec lui dans une maison. Elle le traite comme un frère, lui apprend à lire et à écrire, l’habille, le soigne, le nourrit, et lui enseigne ce qu’elle fait de mieux : le dessin. Après Thanh, c’est l’orphelin de onze ans, Binh, qui emménage avec eux. Suivent Minh et Tai, deux jeunes hommes paralysés dont elle a pris en charge l’hospitalisation, et rapidement un foyer est créé.
« Je n’ai pas vraiment réfléchi, j’ai suivi mon cœur. Aujourd’hui l’association comprend 700 bénéficiaires, après des milliers d’autres, mais tout s’est fait très naturellement finalement. » La première année, Tim parvient à se financer grâce à la peinture, avant de faire appel à son réseau de proches, et rapidement à des associations, des fondations, des entreprises…
Début 1996, les structures de soutien Maison Chance FR et Suisse sont créées mais surtout c’est l’année de l’officialisation de l’association au Vietnam, « avant tout pour sécuriser la situation des bénéficiaires ».
Au début, pour le visa, c’était compliqué ! « Avant d’être inscrite à l’université, je devais passer par la Russie, la Sibérie, la Chine, explique Aline. Je peux vous dire que c’était spécial de passer en 92 dans l’URSS tout récemment démantelée. J’étais au pain, aux instant noodles et à la vodka, donc en arrivant en Indochine je m’attendais à une certaine sophistication. La Chine, c’était différent. Je garde le souvenir de beaux marchés colorés, mais j’y étais regardée comme une extraterrestre. Au Vietnam je me suis immédiatement sentie à la maison. Le climat, la gastronomie étaient agréables. Les seules complications étaient dans les politiques de logement et de déplacement.
Quoi qu’il en soit, j’ai suivi mon instinct, mon cœur sans réfléchir. Dans la vie il faut faire des choix tous les jours. J’aurais pu ne pas voir cet enfant et passer mon chemin, mais j’ai décidé d’agir. »
Aline est maintenant naturalisée Vietnamienne, et a été rebaptisé Tim, qui signifie “Cœur” en Vietnamien.
Au Village Chance de Saigon, le cœur de l’association, des appartements entiers sont mis à disposition des familles. Les bénéficiaires peuvent venir travailler dans les différents ateliers mis à leur disposition et la famille est logée et scolarisée.
C’est le cas de Ly, dont la famille a été accueillie après que son père fut victime d’un accident en 1995 et sa mère biologique partie au même moment. Elle précise « biologique » car, comme beaucoup d’autres, celle qu’elle appelle maman, c’est Tim.
Prendre soin des autres
Quand elle était petite, Ly voulait devenir artiste, comme Tim, et recevait à chaque Noël
des crayons de couleur de sa part. Plus tard, Maison Chance lui a offert aussi offert d’étudier à la Business Admin en Pennsylvanie. Une expérience très particulière pour une jeune Vietnamienne défavorisée qui parlait très mal anglais, mais elle a étudié avec le seul objectif de rentrer au Vietnam pour aider de la meilleure façon. Un mois après son retour, elle occupait déjà un poste d’administratrice dans l’association. Aujourd’hui elle est chargée de l’entrepreneuriat social et s’occupe de valoriser et d’aider les différents corps de métier occupés par les bénéficiaires. « J’ai toujours voulu faire quelque chose qui avait du sens, aider les autres. J’ai grandi là-dedans. A l’adolescence, tout le monde a une idole. La mienne, c’était elle – Tim -, elle fait tant pour le Vietnam et elle a un si grand cœur ! ».
Ly n’est pas un cas isolé. Des milliers de destinées ont été sauvées par la Maison Chance de Tim. Au Vietnam, il n’existe pas de centre d’accueil pour les personnes handicapés moteurs ou mentaux qui, dans l’incapacité de travailler, se retrouvent condamnés à la misère. Dans la grande famille de Maison Chance, personne n’est laissé de côté, et cohabitent, en harmonie, handicaps moteurs et mentaux de toutes sortes. Les foyers de Vinh Long sont organisés de telle sorte que chacun mette ses forces au service des autres, qu’un trisomique puisse aider un tétraplégique à se mettre au lit, et qu’en retour celui-ci veille sur la chambre. « La meilleure chose à Maison Chance, c’est que les gens prennent soin les uns des autres », résume Ly. Avec ce nouveau centre d’accueil de Vinh Long, Maison Chance prend une nouvelle dimension.
Comme Tim, agissez pour aider !
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Ce projet transverse vise à créer et à alimenter une caisse spécialement réservée, pour prendre en charge les frais médicaux ou d’hospitalisation qui ne peuvent pas être couverts localement par le budget des parrainages ou de nos centres scolaires.
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