La fierté dans un regard

« L’Espérance au Cœur » est une chronique hebdomadaire animée par Antoine Besson, journaliste et rédacteur en chef du magazine Asie Reportages.

« Bonjour chers auditeurs,

Vous le savez, je suis photoreporter. Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’une photo que j’ai prise il y a quelques temps. Cette photo n’est pas la plus belle que j’ai prise ni la plus impressionnante. C’est un portrait d’enfant comme vous avez dû en voir des milliers. Au premier plan, une toile transparente de chantier recouvre quelques étais de bois qui forment une fenêtre. Dans cette fenêtre, la toile est déchirée et un petit garçon me regarde droit dans l’objectif à travers cette ouverture de fortune. A l’arrière-plan, on devine deux autres camarades. Tous les trois portent des tuniques traditionnelles Karen aux couleurs vives et du Tanaka, cette pâte faite à partir de l’arbre du même nom qui protège leur visage du soleil.

Je suis près de Mae Sot en Thaïlande, lors d’un reportage sur les écoles informelles de Birmanie en territoire Karen, je viens de traverser clandestinement la frontière pour aller à la rencontre de ces jeunes écoliers. Eh Twa, responsable d’un réseau, m’accompagne. Elle a commencé à ouvrir ces écoles lorsqu’elle a découvert l’existence de villages d’enfants dans la jungle qui fuyaient la guerre civile entre la junte militaire et les milices Karen.

Dans l’école, l’ambiance est à la fois survoltée et studieuse : les enfants sont debout sur leur bureau ou bien assis, parfois à même le sol. Quelques enfants jouent. C’est là que j’ai pris la photo de ce petit garçon au regard fier.

Il est fier de son identité.

Alors pourquoi est-ce que je vous parle de lui aujourd’hui ? Parce que ce petit bonhomme symbolise pour moi tous les enfants que nous parrainons. Il est fier de son identité qu’il affiche aux yeux de tous, il me défie du regard, moi l’étranger qu’il ne connait pas, il est curieux de me rencontrer aussi. Au bord de ses lèvres, on peut voir l’amorce d’un sourire. Le rire n’est pas très loin. Si vous vous demandez parfois ce que peuvent ressentir vos filleuls, à l’autre bout du monde, regardez ce petit bonhomme à la fois grave et rieur. Plein de force. Lui n’est pas faible, c’est sa situation qui le fragilise. Il a connu la guerre, la misère, l’abandon peut-être. Il a été victime des adultes, blessé, mais tous ces accidents ne résument pas qui il est. Il est tellement plus. Il a soif d’apprendre et de devenir meilleur. Sa vie n’est peut-être pas facile mais il est hors de question qu’il se laisse abattre. C’est la force de cet enfant que célèbre cette photo, c’est la force de ces enfants que je voulais simplement vous redire aujourd’hui. Merci »

Pour aller plus loin sur les réfugiés birmans

Antoine Besson
Antoine Besson Rédacteur en chef du magazine Asie Reportages Contact