L’espoir d’un rêve

Camille, 20 ans, est partie en Août dernier pour s’engager un an auprès des populations reculées Thaï.

Je suis arrivée il y a huit mois en Thaïlande. J’ai vu l’Issan changer de visage passant d’un vert affirmé à une teinte brune témoignant de la sécheresse de cette seconde période de l’année, j’ai vu le Mékong s’assécher mais ne perdant rien en sa grandeur et sa beauté, j’ai vu des familles éclatées, d’autres rassemblées, j’ai vu des sourires d’enfants, des mamans fières et beaucoup de grands parents d’un courage bouleversant, j’ai vu des corps abîmés par le dur travail des champs, j’ai vu des sœurs, des pères, des professeurs engagés, j’ai vu des projets d’avenir se construire.

Responsable de 25 programmes Enfants du Mékong, ce qui correspond à environ 550 enfants parrainés par l’association, cette jeune volontaire bambou s’assure au quotidien de leur suivi.

Camille et une maman d'un filleul @Adélaïde Faÿ
Camille et la maman d’un filleul @Adélaïde Faÿ

Rencontre avec une jeune fille dont la douceur et la capacité à se donner entièrement au service des enfants d’Asie, sans limite, est une vraie leçon de vie.

« Sur ma route, j’ai toujours vu des sourires, j’ai toujours vu beaucoup d’amour, de bienveillance et surtout j’ai vu de l’espoir.  Je n’ai jamais vu personne se plaindre, je n’ai jamais entendu le mot « injustice », je n’ai jamais vu d’énervement ni d’agacement. Je suis bouleversée par le courage de toutes les familles, de tous les orphelins que j’ai rencontrés. Bouleversée par leur capacité d’acceptation. Et pourtant… J’ai vu des maisons faites de tôle et de quelques bouts de bois, j’ai vu des enfants abandonnés, des sidéens rejetés, des rêves brisés, des grands-parents fatigués de s’occuper seuls de leurs petits enfants, des rizières décimées par les inondations, des pères paralysés, des grandes sœurs obligées de se sacrifier pour laisser les plus jeunes aller à l’école, des jeunes filles abusées… et j’en passe. Le temps passe… Il passe… bien trop vite. Les journées défilent, les mois passent.

Camille présente Enfants du Mékong à de futurs filleuls et leurs familles à Yasothon ©Adélaïde Faÿ
         Présentation d’Enfants du Mékong à de futurs filleuls et leurs familles à Yasothon ©Adélaïde Faÿ

Cette mission est parfois difficile : le manque, les amis, la famille, mes repères. J’avais aussi mes moments simples en France et ils me manquent. Parfois, je ressens aussi beaucoup de fatigue que ce soit physiquement ou émotionnellement, mon corps est bien souvent mis à épreuve. Même si les débuts ont été difficiles, depuis quelques mois, cette mission me remplit de bonheur. Je prends chaque rencontre, chaque sourire, chaque moment partagé comme un véritable cadeau, un « miracle ». Tous les jours, mon cœur se remplit de nouvelles histoires, de nouvelles rigolades, de nouveaux moments de tendresse.  J’aime les moments simples que je vis. Une cuisinière qui vient me raconter une part de sa vie, un moment partagé avec les enfants à chanter accompagnée de mon ukulélé, un repas assis par terre où tout le monde partage son plat, et tant d’autres.

Camille et une filleule Enfants du Mékong à Yasothon @Adélaïde Faÿ
                              Camille et une filleule Enfants du Mékong à Yasothon @Adélaïde Faÿ

Au cœur de chacun de ces moments : le partage. Ce sera le maitre mot de cette année. Malgré le temps qui passe, il me reste tout de même du temps à parcourir, comme quelques kilomètres encore. Ce sera certainement une des parties les plus intenses de ma mission avec un déménagement dans le village de Ban Kham à la fin du mois, une semaine d’animation et de cours d’anglais avec trente jeunes adolescentes, la rentrée scolaire en mai 2018, une sortie aquarium avec les enfants du village de Ban Don Wai et bien d’autres choses ! Les projets fourmillent. Dans bien des situations, je me suis sentie impuissante. Une impuissance qui, à chaque fois, me fait sentir si petite. On aimerait mais on ne peut pas. On ne peut pas tout contrôler, on ne peut pas se battre sur tous les fronts. Parfois, on ne peut pas. On doit accepter. J’accepte. Alors il me reste d’autres armes : le sourire, le dialogue et l’écoute. Après ces huit mois, je pense que ces trois éléments définissent ce qu’est le « don », un élément essentiel lorsqu’on devient bambou.

Qu’est-ce qui te pousse à continuer ta mission ?

«Je n’ai pas de rêve. Pourquoi en avoir un puisque je suis pauvre ?» Cette phrase a été dite par une nouvelle filleule. Elle a changé le cours de ma mission. J’ai d’abord été attristée qu’une jeune fille pense qu’elle n’ait pas le droit de rêver, qu’une jeune fille n’ait pas de projet, ne sache pas qui elle veut être. A partir de ce jour-là, j’ai compris la vraie force du parrainage.  Le parrainage offre l’opportunité de rêver. Et quoi de plus important pour un enfant, pour un jeune, que de rêver ?

Visite de Camille et une responsable locale à une filleule à Ubon, dans l'Issan @Adélaïde Faÿ
                                              Visite à une filleule à Ubon, dans l’Issan @Adélaïde Faÿ

As-tu un nouveau filleul dont tu as envie de nous partager l’histoire ?

Je me souviens et je n’oublierai jamais cette rencontre tant elle m’a bouleversée. J’étais à Klong Lan, dans les petits villages de montagne. La sœur avec qui je travaille m’avait demandé de venir rendre visite à une famille qui avait besoin d’aide. Après quelques kilomètres de voiture, j’arrive devant la «maison». Difficile de nommer ce que j’avais en face de moi comme «maison». Quatre murs de taule enfermant quatre mètres carrés. Au centre de la pièce, j’ai découvert le père, entièrement paralysé, sur son lit d’hôpital. Autour, il y avait la maman, et les deux filles. Thongchai a eu son accident sur un chantier, il est tombé d’un immeuble. Depuis, il est devenu totalement dépendant de sa femme. Ils étaient pourtant en train de construire une nouvelle maison. Rêve brisé. Plus aucun des parents ne peut travailler. J’étais bouleversée, j’essayais de garder mon émotion. J’ai senti la mère épuisée, triste. Que faire avec deux enfants à charge ? Croire en la solidarité. La force de la solidarité est impressionnante dans les villages. Ici, chacun les aide comme il peut avec un sac de riz ou un peu d’argent. Et pourtant, ils sont pauvres, eux aussi. Cela fait écho à une très belle phrase dite par sœur Anna : «La pauvreté n’empêche pas le partage.»

Désormais, nous parrainons Lamyai. Elle a huit ans, elle est en CE1.

 

Pourrais-tu nous partager quelques phrases qui t’ont marquée depuis ton arrivée en Thaïlande ?

 

  • « J’avais promis à mon fils qu’il pourrait aller à l’école, je ne savais pas comment je pourrais tenir cette promesse, c’est Enfants du Mékong qui m’a permis de la réaliser. » (Mère de Pam, dernière année d’étude)
  • « Le plus important pour moi est d’aller à l’école car c’est ce qui me permet de construire mon futur. » (Ten, Terminale)
  • « Merci de m’avoir aidé, je suis reconnaissant qu’on m’ait donné l’opportunité de réussir. Je pense à mon parrain, c’est une comme une famille. » (Saran, dernière année d’étude)
  • « Le parrainage m’aide à penser mon futur et à le construire. » (Anuwat, Bac+2)

 

As-tu pu rencontrer d’anciens filleuls depuis le début de ta mission ?

Oui, j’aimerais vous partager l’histoire de Nat. Nat a grandi à l’orphelinat « Homehug » dans la province de Yasothon. Centre coloré, rempli de vie, il abrite une cinquantaine d’enfants ayant tous un passé particulièrement difficile. Nat s’y est construit. Il a été parrainé à partir de 2007. Il a pu continuer à aller à l’école. En grandissant Nat a su qu’il voulait devenir journaliste. «J’aime le journalisme car je souhaite comprendre et expliquer les problèmes, c’est un métier qui permet la découverte et le voyage.» Aujourd’hui, à 24 ans, toujours soutenu par l’incroyable générosité de son parrain, Nat est en train de réaliser son stage de fin d’études à Bangkok. Je vois des photos de lui, caméra sur l’épaule ou micro à la main, dans les inondations, aux cérémonies ou recouvrant les incroyables embouteillages de la capitale. Nat est en train de devenir un jeune homme mature qui s’accomplit de jour en jour. C’est surtout un jeune homme qui a pu réaliser son rêve et ce, grâce au parrainage. 

 

Camille et un jeune de Ubon @Adélaïde Faÿ
                                                          Camille et un jeune de Ubon @Adélaïde Faÿ

Quels parents de filleul(le)s t’ont particulièrement impressionnée ?

Ils sont nombreux. Je me souviens des larmes de la maman de Pam, si fière de son enfant. Parrainé depuis douze ans, Pam est devenu un adulte. Il est aujourd’hui en quatrième année d’ingénierie agriculteur ! Cette maman m’a touchée. Elle m’expliquait qu’elle avait donné tout l’amour à ses enfants, ainsi qu’une éducation. L’Université, elle, n’était en revanche pas envisageable du fait de son coût.  Elle a remercié Enfants du Mékong d’être venue en aide à son fils. C’est dans ces moments que je comprends pourquoi je suis là.

 

Que peut-on te souhaiter aujourd’hui ?

 

Vous ne pouvez me souhaiter qu’une seule chose : garder la capacité d’émerveillement de chacun de ces moments intacts. J’en suis toujours persuadée, ce qui me fait avancer c’est que «tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien.»

 

Camille Schaefer, volontaire bambou pour Enfants du Mékong 2017/2018

 

Vous avez le désir de venir en aide à un petit d’Asie du Sud-Est en lui offrant un accès à l’éducation ? Toutes les informations sont ici !