Immersion en terres Karen et Karenni

Découvrez deux ethnies méconnues, à travers le quotidien de deux enfants.

Pays frontalier avec la Chine, le Laos et la Thaïlande, le paysage de l’Est Birman se compose de chaines montagneuses abritant différentes ethnies. Parmi elles, les Karens et les Karennis, deux communautés menacées par la junte militaire au pouvoir. Pour mieux comprendre ces deux ethnies, plongeons-nous dans le quotidien de deux enfants.

Naw Mee Wah chez les Karens

Cachée au cœur de la jungle près de la frontière Thaïlandaise, Naw Mee Wah, une petite fille de la communauté des Karens, aide ses parents dans les rizières. La Birmanie abrite 135 ethnies différentes sur ses terres, et la communauté des Karens est l’une des minorités les plus peuplées du pays. Repartis à l’Est de la Birmanie, les karens habitent pour la majorité dans des villages isolés. L’emplacement géographique est déterminant pour ces populations car il apporte des distinctions de langues, de traditions et de croyances religieuses. Si la grande majorité des karens sont bouddhistes, d’importantes communautés chrétiennes y sont présentes, notamment dans le village de Naw Mee Wah. Sa famille et ses amis sont chrétiens et ne parlent pas le birman mais un dialecte karen. Les enfants du village apprennent cependant les bases de la langue birmane à l’école.

Le birman fait office de langue commune, comme l’anglais pour communiquer avec des étrangers. Malheureusement, le nombre de professeurs reste insuffisant dans ces régions et beaucoup d’enfants doivent effectuer un long chemin avant de pouvoir accéder à l’école du village voisin. La structure de son école est rudimentaire et manque de moyens comme un accès au réseau internet. Sa maîtresse enseigne dans le même dialecte Karen que Naw Mee Wah, mais elle doit également maîtriser le birman si elle souhaite accéder aux niveaux du collège et du lycée, car l’enseignement y est exclusivement dispensé dans cette langue. Ce sont les villageois qui ont construit son école, pour que les enfants puissent étudier les bases de l’enseignement. Les villes voisines ont des écoles gouvernementales, elles représentent la majorité des établissement scolaires et sont rattachées au pouvoir en place.

Naw Mee Wah et ses camarades

Naw Mee Wah habite dans une petite maison de bambous située dans une région montagneuse recouverte par la jungle. Pour y accéder, il faut compter plusieurs heures de route à travers les montagnes et emprunter des chemins escarpés qui deviennent boueux et inaccessibles pour les véhicules dès la saison des pluies. Tous les matins, accompagnée de son papa, elle se rend à l’école à pied ou en moto. A mi-chemin, elle continue seule pour rejoindre le village voisin et retrouve ses amis ainsi que son professeur. Son papa poursuit sa route vers les champs d’agricultures. La production des villages est à peine suffisante pour assurer l’autonomie alimentaire des habitants. Les karens vivent essentiellement de l’agriculture (riz, maïs), de l’élevage (bœufs, cochons, poules) et de la cueillette. Mais Naw Mee Wah et son papa doivent être prudents lorsqu’ils se déplacent. Certains chemins cachent des mines antipersonnel, ou des groupes de la junte militaire birmane. Elle sert bien fort la main de son papa qui connait les routes les plus sûres.

Les Karens, dont la communauté de Naw Mee Wah, sont davantage exposés depuis le coup d’état militaire du premier février 2021. Ils redoublent de vigilance et espèrent une amélioration dans les mois à venir.

Myi Htun Lin chez les Karennis

A quelques kilomètres du village de Naw Mee Wah, dans l’état Kayah, un petit garçon nommé Myi Htun Lin et sa famille cherchent un nouvel endroit pour vivre. Myi Htun Lin fait partie de l’ethnie des Karennis, et comme pour Naw Mee Wah, sa communauté est menacée par la junte birmane. Sa famille a fui les villes pour se réfugier dans les villages aux alentours. Myi Htun Lin habitait à Loikaw, la capitale de l’état Kayah. La ville est bordée par un grand lac où son papa travaillait comme pêcheur traditionnel. Myi Htun Lin aimait accompagner son papa tous les matins avant d’aller à l’école pour le regarder se tenir en équilibre sur le bord de sa pirogue relever son filet au milieu des nénuphars.

Myi Htun Lin devant sa maison

Après plusieurs jours de marche dans la jungle, Myi Htun Lin et sa famille se rapprochent de la frontière Thaïlandaise et rencontrent la communauté des Padaungs. Les Padaungs sont un sous-groupe ethnique appartenant aux Karennis. Soe Saw Plot est intrigué par ces femmes aux longs cous ornés de bagues en laiton qui font la particularité de la tribu. Comme les Karens, les karennis se composent de différentes communautés aux traditions, croyances religieuses et langages variés. L’état Kayah regroupe environ onze tribus distinctes sous l’ethnie Karenni. C’est non loin de cette communauté que la famille décide de s’établir. Ils construisent un petit abri en bambous près des plaines où se dessinent des rizières. La maman Myi Htun Lin aimerait travailler dans les champs et vendre quelques fruits et légumes, tandis que son papa souhaite rejoindre les travailleurs des mines évitant ainsi les productions de pavot.

Myi Htun Lin espère pouvoir reprendre l’école. Par chance un professeur de Loikam se trouve parmi eux dans le groupe de réfugiés. Les problématiques que rencontrent les karennis sont similaires à celles des Karens. Le manque de transport, de moyens de communication, d’infrastructures, de formations et d’écoles compétentes oblige certains enfants à étudier au cœur de la jungle, lorsqu’ils le peuvent.

Des écoliers en pleine jungle dans l’état Karen.

Les Karen, comme les Karennis, comprennent l’importance de l’éducation, non seulement pour leurs enfants mais également dans la construction de leur identité. Naw Mee Wah et Myi Htun Lin sont encouragés tous les jours à étudier davantage par leurs parents.  Ils souhaitent que les futures générations deviennent leur porte-parole pour qu’un jour ils puissent vivre dans la paix et être acceptés pour ce qu’ils sont.

L’armée est en conflit depuis 1948 avec la guérilla karen. Si la situation s’est apaisée en 2011 grâce aux différents programmes de trêve entre la junte et les principaux groupes armés ethniques du pays, le coup d’état militaire du 1er février 2021 relance officiellement les hostilités. Les Karens, aux côtés des différentes ethnies dominantes, revendiquent leur indépendance et l’établissement d’une Birmanie fédérale. L’armée au pouvoir, qui se veut garante de l’unité nationale, refuse et réprime les revendications des karens. La population subit de nombreuses violations des droits de l’homme faisant des milliers de réfugiés qui fuient les combats et le pillage de leur village pour s’installer en Thaïlande.

Parrainer en Birmanie

Les états Karen et Kayah

Le récit de ces deux enfants n’est pas tiré de notre imagination, mais de la réalité.

Pour mieux comprendre la situation dans les états Karen et Kayah, à l’est de la Birmanie, lisez notre dossier sur l’est Birman.