Le mystère

Tous les vendredis, retrouvez « L’Espérance au coeur », la chronique d’Enfants du Mékong par Antoine Besson, journaliste et rédacteur en chef du magazine ‘Asie Reportages‘.

 

« Aujourd’hui est un jour spécial pour le peuple des disciples du Christ. Aujourd’hui, les chrétiens entrent dans la veille. Nous commémorons un mystère qui scandalise nos intelligences et révolte nos cœurs : Dieu est mort. Comment comprendre cela ? Comment Jésus, dont le verbe provoquait la fuite des démons et la guérison des corps et des cœurs, peut-il mourir ?

Je suis actuellement au Cambodge. Dans la province de Samrong au Nord du pays. Je vis cette semaine sainte entouré de filleuls d’Enfants du Mékong. Ils viennent de villages où il n’y a pas de collèges ou de lycée. Mais surtout ils viennent de famille pauvres qui souffrent énormément et qui sacrifient souvent la scolarisation de leurs enfants au profit de besoins plus urgents. Même pour moi qui les côtoie au plus près il est difficile de concevoir ce qu’ils endurent. Hier je me suis rendu avec un de nos filleul, Pagna, dans sa famille. Sa maison est en paille. Détruite par les intempéries. Ses parents vivent chez des voisins depuis plusieurs années. Pagna est premier de sa classe parce qu’il veut avoir l’opportunité plus tard de changer tout cela. Il veut offrir une vie heureuse à sa famille et il ne ménage aucun sacrifice pour cela. A voir Pagna si brillant et joyeux dans le beau centre de Samrong, j’en avais petit à petit oublié la misère dans laquelle il est né et il a grandi. Elle m’est revenue avec force hier.

Une maman d'un filleul thaï ©Adélaïde Faÿ
Une maman d’un filleul thaï ©Adélaïde Faÿ

L’injustice de cette misère conforte nombre de nos contemporains dans leur rejet de Dieu. Ce vendredi saint, Dieu donne raison à ses propres détracteurs, Nietzsche et tous les autre : Dieu est mort.

Mais il est une dimension qui leur échappe. Cette mort n’est pas une mort d’homme comme les autres. Cette mort n’est pas une défaite comme ils semblent en être persuadé. Cette mort est une annonciation. Comme Gabriel a révélé à Marie le plan que Dieu avait pour sa maternité offrant à l’humanité l’espérance d’un sauveur déjà caché en son sein, le Christ monte aujourd’hui en Croix annonçant à ceux qui l’écoute le salut. Le sacrifice fait naître l’espérance. Le Christ est mort et nous veillions aujourd’hui son retour dans la gloire. Dans trois jours, il sortira victorieux du tombeau, triomphant de la mort. Il nous offre aujourd’hui la possibilité de demeurer au pied de la Croix dans l’attente de cet instant. En attendant que le bois mort refleurisse. Que l’amour triomphe de la haine. Que la vérité triomphe du mensonge. Le scandale et le mystère nous donne à croire en l’impossible. Et si aujourd’hui sur le chemin de Croix, je vois dans le dénuement du Christ la misère de la famille de Pagna, je crois que demain Pagna pourrait bien devenir un instrument de la Providence :  l’un de ces hommes de bonne volonté qui corrige les iniquités du monde. »

Joyeuses Pâques !

Antoine Besson