Sreymao : « Business Angel » des pauvres

Démarche assurée, regard franc, Sreymao attire l’attention. Depuis 10 ans qu’elle a obtenu son diplôme, elle revient chaque année au centre Docteur Christophe Mérieux pour partager son expérience professionnelle avec les étudiants

Texte et photos : Agathe Ducellier

Sreymao : « Business Angel » des pauvres
Sreymao : « Business Angel » des pauvres

Démarche assurée, regard franc, Sreymao attire l’attention, à peine a-t-elle franchi le portail d’Enfants du Mékong. Avec ses cheveux tirés en chignon, sa petite robe noire et ses deux téléphones à la main, elle incarne la business woman à la perfection.

Depuis 10 ans qu’elle a obtenu son diplôme, elle revient chaque année au centre Docteur Christophe Mérieux pour partager son expérience professionnelle avec les étudiants. Malgré un emploi du temps chargé, elle est toujours présente lors des cérémonies et fêtes des alumni. Celle qui, encore étudiante, s’était promis d’être actrice du développement de son pays une fois son diplôme en poche, est restée fidèle à ses convictions. Et des projets elle n’en manque pas !

Un parcours exemplaire

Sreymao dans son village du Cambodge
Sreymao dans son village du Cambodge

Difficile de croire que cette jeune femme si sûre d’elle a grandi dans un petit village de la frontière thaïlandaise où la plupart des jeunes alentour désertaient l’école pour aider leur famille à ramasser du riz.

Poussée par ses parents agriculteurs qui l’ont encouragée à étudier au même titre que ses deux petits frères, Sreymao part à Phnom Penh en 2006 afin de suivre un master en marketing. En parallèle, elle suit le cursus du centre Docteur Christophe Mérieux. Elle y apprend l’anglais, le français, l’informatique mais elle acquiert aussi des compétences moins académiques et pourtant tout aussi essentielles comme la confiance, la motivation, les encouragements ou l’interculturalité auprès des volontaires Bambous

« Ils passent un temps fou avec nous, ils nous conseillent, nous écoutent et nous aident à envisager un avenir différent, possible, meilleur. Ils consacrent toute leur énergie à nous montrer comme le monde est grand et beau ; ils croient en nous et en nos rêves ; ils nous aiment. Oui, tout simplement ils nous aiment, je crois. »

Toutes ces expériences lui ont permis d’obtenir un poste chez Wing, l’une des premières banques en ligne du Cambodge, où elle a gravi les échelons jusqu’à devenir responsable e-commerce. Un poste prestigieux qui ne l’a pas empêchée de garder les pieds sur terre.

Très marquée par son parcours de filleule Enfants du Mékong, Sreymao travaille à la création de plusieurs entreprises sociales car elle en est convaincue : il est possible de conjuguer activité économique et bien commun.

La solidarité dans le sang

Cours de danse à l'association de Sreymao au Cambodge
Cours de danse à l’association de Sreymao au Cambodge

Dès sa sortie de l’université, elle a commencé à investir son argent personnel dans un projet auprès des communautés locales nommé « Community School for all ». L’initiative regroupe aujourd’hui 130 élèves des régions de Takéo et Banteay Meanchey auxquels une dizaine de lycéens volontaires dispensent des cours en échange de formations sur l’enseignement. Un système gagnant-gagnant qui permet aux premiers de recevoir une éducation et aux seconds, des formations diplômantes.

Cette initiative a beaucoup de sens au Cambodge où le système éducatif est encore défaillant. En parallèle, le métier de professeur est un très bon moyen de sortir de la pauvreté puisqu’en plus de fournir un salaire décent, il permet de s’élever socialement.

Sreymao croit également au pouvoir de la créativité. Son association propose des cours de danse et d’art qu’elle donne parfois elle-même pendant les weekends.

Les jeunes y apprennent aussi les fondamentaux de l’hygiène tels que le brossage de dents, le lavage des mains et autres gestes basiques qui sont malheureusement loin d’être la norme dans les campagnes et favorisent la propagation des maladies.

Malgré la crise de la covid, les cours ont pu être maintenus même s’ils ont dû être organisés en extérieur avec des groupes restreints. Lorsque je la rencontre, Sreymao est sur le point d’aller prospecter dans la province de l’Oddar Meanchey pour y reproduire le modèle.

« La société cambodgienne a encore grand besoin de se développer. Dans les zones rurales, beaucoup d’enfants n’ont toujours pas la chance de pouvoir étudier, particulièrement les femmes auxquelles on n’enseigne pas les compétences professionnelles qui leur permettraient de se débrouiller seules. »

La jeune femme a aussi à cœur d’aider les étudiants. Forte de l’exemple qu’elle a reçu chez Enfants du Mékong, elle a soutenu huit jeunes (logements, frais de scolarité…) qui souhaitaient étudier à Phnom Penh. Ils sont aujourd’hui tous diplômés. Elle souhaiterait développer ce modèle dans les années à venir.

Pour mener tous ces projets solidaires, Sreymao ne reçoit pas d’aides de l’Etat mais plutôt de fonds privés : la Corée, le Japon ou l’Australie sont des partenaires fiables.

« La justice ne se recherche que par amour de la justice elle-même, par respect pour les victimes, pour prévenir de nouveaux crimes et en vue de préserver le bien commun, mais certainement pas pour évacuer sa colère. »

Pape François

Covid, transformer le drame en opportunité

Sreymao dans son village au Cambodge
Sreymao s’investit dans l’éducation au Cambodge

Aujourd’hui, Sreymao en est sûre, c’est aux Cambodgiens de prendre leur destin en main !

Elle œuvre ainsi avec le groupe des anciens filleuls d’Enfants du Mékong pour développer plusieurs entreprises sociales, des projets majoritairement tournés vers l’agriculture, une activité représentant près de 20% du PIB au Cambodge et souffrant d’un manque de modernisation.

Depuis le début de la crise de la covid, le groupe se réunit régulièrement pour mettre sur pied un dispositif complet dans la province de Kampong Thom, à trois heures de route de Phnom Penh : un groupe d’épargne qui permet aux agriculteurs d’emprunter de l’argent à faible taux d’intérêt, une « banque d’essence » pour vendre de l’essence à des prix inférieurs à ceux du marché aux agriculteurs, une incitation pour les agriculteurs à faire pousser du cacao et de la citronnelle, avec l’engagement à leur acheter leur production à un bon prix. Le projet est ambitieux même s’il n’en est encore qu’à ses débuts.

On peut se demander d’où lui vient cette fibre entrepreneuriale et solidaire à la fois. Elle l’explique par l’exemple de ses parents : des personnes très généreuses qui, bien que modestes, se sont toujours fait un devoir d’accueillir les gens de passage et de s’investir dans la vie communautaire.

✮ DU CONCRET POUR AGIR : Avez-vous un engagement en parallèle à votre activité professionnelle ou scolaire ? Donnez un peu de temps et d’énergie pour les autres peut être un moyen de donner autre chose que de l’argent et de s’engager ! Vous pouvez par exemple contacter la délégation régionale d’Enfants du Mékong.
Peut-être seraient-ils heureux de pouvoir compter sur votre aide pour leurs événements et actions ?

Si vous souhaitez en savoir plus sur les populations isolées en Asie du Sud-Est :

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