POINT CHAUD : L’école quoi qu’il en coûte en Birmanie

Dans le pays aux mille pagodes, les épreuves et la guerre sont source de fractures et d’inégalités criantes. Territoire morcelé soumis à la vindicte arbitraire d’une armée acculée, la Birmanie se déchire tandis que ses institutions vacillent. Au cœur de ce drame civil, des enfants s’accrochent à la seule planche de salut qui leur reste : l’école… Quand elle est encore possible !

Dans le pays aux mille pagodes, les épreuves et la guerre sont source de fractures et d’inégalités criantes. Territoire morcelé soumis à la vindicte arbitraire d’une armée acculée, la Birmanie se déchire tandis que ses institutions vacillent. Au cœur de ce drame civil, des enfants s’accrochent à la seule planche de salut qui leur reste : l’école… Quand elle est encore possible !

Texte et photos : Guillaume MARIAU 

L’école quoi qu’il en coûte en Birmanie

La ville est en paix. À l’est de la Birmanie, la capitale de l’État Shan rend hommage par son nom aux pics et aux sommets majestueux qui l’avoisinent. Taunggyi en birman signifie « grande montagne ». C’est peut-être la veille de ces hautes sentinelles qui en fait aujourd’hui un havre de paix dans un pays en conflit…

La capitale ethnique est un refuge pour les déplacés internes depuis le putsch militaire du 1er février 2021 qui a plongé le pays dans une nouvelle guerre civile sanglante. La relative sécurité qui y règne en font une destination de choix pour tous ceux qui fuient la violence des combats dans les zones du pays plus exposées. Au bout d’une rue passante, un centre de formation professionnelle dédié aux adultes s’est peu à peu transformé en orphelinat. En octobre 2024, ils sont près de 130 enfants à vivre dans cette infrastructure inadaptée, loin de leur famille. Ils viennent de tout le pays, cherchant un peu de sécurité. Certains n’ont pas vu leurs parents depuis plus d’un an, mais ce soir, dans la semi-obscurité d’une salle de classe, les enfants chantent.

Concert de voix enfantines, les paroles inventées de cette chanson sommaire clament mieux que n’importe quel discours, la détresse de ces jeunes écoliers :

Ciblées par les bombardements à répétition, la plupart des écoles sont aujourd'hui des bâtiments légers peu repérables du ciel.

« Nous perdons tous quand ils se nourrissent des âmes des innocents, Sur les trottoirs trempés de sang… Continue d’avancer à travers les eaux, Reste fort. Dans cette folie, tu peux perdre ton chemin (ton chemin), Cela pourrait te rendre fou, mais ne laisse pas cela t’affecter (pas du tout), […] Un jour, tout cela changera. Les gens se traiteront tous de la même manière. Cessez la violence, en finir avec la haine. Un jour, nous serons tous libres. »

 

 Certains n’ont pas vu leurs parents depuis plus d’un an…

 

 

 

 

Ciblées par les bombardements à répétition, la plupart des écoles sont aujourd'hui des bâtiments légers peu repérables du ciel.
Ciblées par les bombardements à répétition, la plupart des écoles sont aujourd’hui des bâtiments légers peu repérables du ciel.

 

URGENCE ET SURVIE

Cette privation de liberté, c’est le sentiment de l’époque en Birmanie dans les zones ethniques, à la périphérie du pays, où se concentrent la plupart des combats aujourd’hui.

« Les déplacements dans le pays sont devenus extrêmement compliqués en raison des barrages militaires et de l’insécurité qui règne partout. Certaines zones où nous nous rendions chaque mois sont devenues totalement inaccessibles, même une fois par an », témoigne Khin, femme de caractère et d’action, responsable d’un programme de la Conférence épiscopale pour l’éducation.

À Taunggyi, plusieurs responsables de cette organisation se sont réunis pour tenter de coordonner leurs actions. Actuellement, 18 millions de Birmans, soit 32 % de la population totale du pays, sont en détresse alimentaire – c’est-à-dire ne mangent pas à leur faim et ont besoin d’aide humanitaire.

 

C’est 6 fois plus qu’en 2020, en pleine pandémie mondiale. Dans ce contexte, l’Église catholique, minorité religieuse réputée neutre et bénéficiant de ce fait d’une certaine liberté d’action, tente de pourvoir aux besoins des réfugiés et en particulier, des enfants déscolarisés suite à une migration forcée. Ils seraient 3,4 millions de Birmans à fuir les combats, craignant pour leur vie et celle de leurs proches. 40 % de ces déplacés internes sont des enfants selon les dernières estimations de l’UNICEF.

Parmi les responsables réunis ce jour là pour discuter des modalités d’action, le constat est unanime : le pays connaît une situation d’urgence alarmante qui exige une mobilisation de tous pour répondre aux besoins primaires de ces enfants : les nourrir, les soigner et les protéger des bombes et des mines antipersonnel. « Ces urgences ne doivent pas nous faire perdre de vue un enjeu tout aussi important et essentiel à la survie future de ces milliers d’enfants : l’éducation ! », assène avec force conviction Khin.

SANS RIZ

Dans l’État Karen, à près de 400 kilomètres au sud de Taunggy, Lian roule en pick-up sur un semblant de piste, à travers la jungle épaisse. Dans ces contrées excentrées, le relief montagneux, la végétation luxuriante et l’isolement des villages, tous disséminés sur un large territoire, ont fait les grandes heures de la guérilla Karen au XXe siècle, l’une des seules ethnies à avoir tenu tête au pouvoir militaire pendant plusieurs décennies.

Depuis 2021, les milices ont repris le chemin du front et les villages demeurent dans une pauvreté totale. Le corps sec et noueux des habitants qui accueillent la voiture témoigne de la vie rude de ces contrées sans électricité, sans réseau internet et sans routes goudronnées. L’indépendance a un prix. Le développement extraordinaire du pays depuis l’ouverture en 2011 ne semble pas encore avoir pénétré dans la jungle orientale. Ici, la santé d’un village dépend encore essentiellement de la météo et des récoltes. Et en cette fin d’année 2024, ces deux dernières ne sont pas bonnes. « Cette année, il a énormément plu et les rizières ont été noyées par l’excédent d’eau », témoigne un villageois en montrant sur un vieux téléphone des photos de rizières devenues des étangs d’eau stagnantes.

Si le riz pousse habituellement une partie du temps dans l’eau, une trop grande quantité de cette dernière a tendance à le faire pourrir. Les villageois sont condamnés à acheter leur riz au prix fort. Un prix qui a doublé après le passage du typhon Yagi en septembre dernier. « Lorsque nous parvenons à rendre visite à ces villages où nos écoles

 

 

Les conditions climatiques sont telles qu’à la situation de guerre vient s’ajouter désormais la détresse alimentaire.

 

sont implantées, nous apportons désormais systématiquement du riz pour les aider », commente Lian tandis que des hommes déchargent le pick-up en vue de la distribution. D’origine Karen, cette Birmane naturalisée Thaïlandaise anime un réseau d’écoles informelles à travers tout l’État Karen. Écoles construites et soutenues par plusieurs organisations internationales, dont Enfants du Mékong.

 

 

Classe informelle en Birmanie.
Classe informelle en Birmanie.

 

Classe informelle en Birmanie.

 

La scolarisation des plus jeunes est parfois un enjeu politique en particulier dans les zones ethniques où les parents craignent l'embrigadement de l'école publique en faveur de l'armée.
La scolarisation des plus jeunes est parfois un enjeu politique en particulier dans les zones ethniques où les parents craignent l’embrigadement de l’école publique en faveur de l’armée.

 

À L’ÉCOLE DES TRANCHÉES

À l’approche d’une bâtisse de bois aux murs ajourés, la responsable explique dans un débit de parole rapide : « Cette école a été financée et construite par Enfants du Mékong, ainsi qu’une fondation singapourienne. C’était en 2008. Depuis un an, elle n’est plus utilisée car les villageois ont peur. Une bombe à fragmentation a explosé à 50 mètres de l’école l’an dernier, juste là dans ce champ ».

Tout en parlant, Lian suit une dizaine d’enfants venus l’accueillir vers ce qui leur sert désormais de salle de classe : une cahute dans la jungle cernée de tranchées creusées à un mètre de profondeur. À regarder de près, chaque habitation semble être équipée d’un aménagement similaire. « C’est une protection contre les bombes », explique laconique un villageois. L’utilité lui paraît évidente : depuis le début du conflit, la toute-puissante Tatmadaw, l’armée birmane à la solde de la junte militaire, est équipée par la Russie d’avion de chasse et de bombes à fragmentation. « Les avions survolent les villages la nuit. Quand ils voient des lumières, ils lâchent des bombes.

Ils veulent semer la terreur. Ils ciblent les écoles, les temples, les églises », complète Lian. Faisant l’objet d’une convention des Nations unies les interdisant depuis 2010 (mais que tous les pays n’ont pas signée), les bombes à sous-munition et les bombes à fragmentation sont des bombes aériennes qui explosent avant d’atteindre leur cible ou à l’impact, libérant des milliers d’éclats (voire des mini-bombes dans le cas des armes à sous-munition) qui se propagent à haute vitesse dans des directions aléatoires.

En 2023, l’association Human Rights Watch soulignait que 95 % des victimes recensées de ce type d’armement étaient des civils dont 71  % sont des enfants, prouvant la cruauté de ces dispositifs et des dommages aveugles qu’ils provoquent. « Au moindre bruit de moteur, les villageois se précipitent dans ces abris de fortune en espérant s’y trouver à l’abri », conclue Lian face à une assemblée sur le qui-vive. La vie s’est ainsi réorganisée dans ces villages au cœur des zones de conflit. Une vie de côté, à la bordure du monde. Les bâtiments trop visibles depuis le ciel sont délaissés au profit du couvert des bois. Les enfants y apprennent à se protéger en courant aux tranchées dès leur plus jeune âge, tandis que les adultes guettent le ciel et tendent l’oreille à l’affût du moindre bruit de moteur. Mais la mort ne vient pas que du ciel. En 2023, la Birmanie est devenue le pays où les mines terrestres et les munitions non explosées ont fait le plus de morts et blessés. En 2024, plus de 1 000 personnes ont été blessées ou tuées par ces dispositifs.

 71% des victimes des bombes à fragmentation sont des enfants.

LA PEUR GANGRÈNE LA JEUNESSE

Dans ce chaos, seule apparence de normalité, l’école continue. C’est le tour de force d’un grand nombre de personnalités réunies au service des enfants qui mobilisent leur énergie et leurs compétences pour tenter de leur offrir un semblant de stabilité.

À Rangoun, Dah est formel : la continuité scolaire est essentielle en ces temps troublés, en ville comme à la campagne : « Le décrochage scolaire et le désœuvrement exposent les jeunes adolescents en particulier à des fléaux bien plus graves qui en découlent ». Certains sont tentés par la drogue qui circule partout et que certaines ethnies n’hésitent pas à produire et à commercialiser pour financer leur armement. D’autres sont enrôlés dans l’armée ou les milices où les enfants-soldats sont encore tolérés. La plupart, enfin, sont rapidement mis au travail par leurs parents dans les champs, parfois mariés de façon précoce, et tout espoir d’accéder à une instruction disparaît alors.

Pour les jeunes déscolarisés, les conséquences sont lourdes. Certains perdent le goût de vivre et désespèrent, minés par l’idée qu’ils n’ont plus d’avenir. Mais le sentiment qui domine partout, dans les zones de conflit

 

comme dans les territoires en paix qui garantissent un semblant de stabilité aux institutions en place (comme à Rangoun et dans les principales villes du pays), c’est la peur. Dans la capitale économique, un propriétaire de restaurant témoigne : « La plupart de mes employés sont des jeunes qui ont arrêté leurs études au début de la guerre.

Depuis février 2024 et l’annonce de la loi sur la conscription obligatoire des hommes de 18 à 35 ans, la moitié de mon personnel a disparu du jour au lendemain. » Et il n’y a pas que les jeunes hommes qui sont rongés par ce climat de défiance. « Tout le monde se méfie de tout le monde. Quand on croise un militaire, il est possible que ce soit une pastèque [vert à l’extérieur, dû à son uniforme, mais rouge à l’intérieur, couleur symbolique de la résistance du peuple associée à la Ligue nationale pour la démocratie et à la dénonciation de la répression sanglante de la junte, NDLR]. Quand on monte dans un taxi, il faut faire très attention à ce que l’on dit, il est possible que celui-ci nous écoute et puisse nous dénoncer », détaille Jin, responsable de la coordination de la zone pour Enfants du Mékong, obligée de naviguer entre les écoles gouvernementales et les écoles informelles.

Dans les camps de déplacés internes, l'école est assurée par des professeurs démissionnaires ou des bénévoles.

Les jeunes adolescents déscolarisés sont exposés à des fléaux tels que la drogue, le travail précoce ou l’enrôlement militaire.

Maintenir dans ces conditions un réseau d'écoles informelles ouvertes à tous est donc un enjeu prioritaire.

Parfois, les salles de classe sont improvisées dans des lieux communautaires voire des salles paroissiales.

UNE ARMÉE DE L’OMBRE… POUR L’ÉCOLE

Le morcellement et l’instabilité géopolitique du pays sont tels que l’école gouvernementale est perçue dans la plupart des territoires en conflit comme un organe de propagande à la solde du pouvoir militaire.

Pour palier l’absence d’instruction dans les régions les plus exposées et parce qu’ils sont convaincus que l’école demeure fondamentale pour le développement à long terme, tant pour les individus qu’au niveau de la nation, un réseau de résistants, courageux et déterminés, se battent chaque jour pour que les enfants puissent encore recevoir les enseignements fondamentaux partout dans le pays. Khin, Lian, Dah ou Jin font tous partie de cette armée de l’ombre qui œuvre pour les plus jeunes et pour l’avenir, comme un rempart contre la barbarie.

Grâce à eux, des écoles sont implantées dans tous les lieux où l’école publique ne peut plus fonctionner (État Kayah, Shan sud, État Karen, État Chin principalement). Les cours sont donnés dans les camps de déplacés, des salles paroissiales, dans des foyers,

chez l’habitant ou dans les bâtiments des écoles publiques laissées à l’abandon.« Ces écoles informelles manquent cruellement de bâtiments, de mobilier scolaire, et même de chaises pour les élèves. Certains lieux d’apprentissage ne sont que des tentes. En cas de pluie ou de bombardement, les enfants doivent courir se mettre à l’abri », commente Dah détaillant les situations dont il a été témoin.

Chevilles ouvrières de ce réseau sans qui rien ne serait possible, les enseignants sont d’anciens professeurs ayant démissionné depuis le coup d’État pour signifier leur désaccord (40 à 50 % de la totalité des enseignants ont démissionné à la suite du putsch), d’anciens professeurs à la retraite, des étudiants postbac ayant bénéficié d’une courte formation ou des responsables d’internat. « Les volontaires sont malheureusement rares et souvent peu formés », ajoute Dah. On y enseigne essentiellement les matières académiques (langue birmane, mathématiques, histoire), tout en proposant, quand c’est possible, des activités éducatives et d’accompagnement pour développer la résilience des jeunes face au traumatisme de la guerre.

Car si l’école est un lieu de ressourcement pour les enfants, c’est aussi souvent là que se libèrent les émotions, parfois sans filtre. Qui saurait prédire les ravages sur cette génération des traumatismes qu’ils ont vécus ? Retour à Taunggyi où Dominique, un psychologue étranger œuvre dans un centre de soin dédié aux addictions. Depuis le début de la guerre, sa patientèle a radicalement changé : « Chaque jour, des dizaines d’enfants ou d’adultes viennent me trouver pour que je les aide à surmonter leurs difficultés. Ils ont vécu des bombardements, ils ont vu des proches exploser sur des mines anti-personnel », explique-t-il. Spécialisé dans les thérapies de soin des traumatismes, l’homme s’est peu à peu laissé toucher par la détresse de ces enfants, jusqu’à transformer son centre de soins en une école.

PAROLES DU CHANT DES ORPHELINS DE TAUNGGYI

Un jour… Parfois, je m’allonge sous la lune

Et je remercie Dieu d’être en vie

Puis je prie, ne me prends pas trop tôt

Parce que je suis ici pour une raison…

Parfois, dans mes larmes, je me noie

Mais je ne laisse jamais ça me déprimer

Alors quand la négativité m’entoure

Je sais qu’un jour tout va changer…

Parce que toute ma vie, j’ai attendu cela.

J’ai prié pour… pour que les gens disent…

Que nous ne voulons plus nous battre.

Il n’y aura plus de guerres

Et nos enfants pourront jouer

[Un jour, un jour, un jour] x2

Ce n’est pas une question de gagner ou de perdre

Car nous perdons tous quand ils se nourrissent des âmes des innocents

Sur les trottoirs trempés de sang…

Continue d’avancer à travers les eaux

Reste fort. Dans cette folie, tu peux perdre ton chemin (ton chemin)

Cela pourrait te rendre fou, mais ne laisse pas cela t’affecter (pas du tout)

Parfois… Un jour, tout cela changera.

Les gens se traiteront tous de la même manière

Cessez la violence, en finir avec la haine.

Un jour, nous serons tous libres.

Et fiers d’être sous le même soleil, chantant des chants de liberté

 

 

Enfants birmans se protégeant d’attaques aériennes.

« UN JOUR, LIBRES ! »

Qu’il s’agisse de Dominique à Taunggy, des innombrables congrégations religieuses qui ont ouvert leurs couvents pour accueillir des réfugiés, des professeurs volontaires dans les zones de conflit ou encore des membres coordinateurs qui naviguent entre chaque école, tous ces hommes et ces femmes risquent la prison pour s’être mobilisés pour ces enfants, en faveur de l’école.

« À chaque déplacement, nous sommes contrôlés par l’armée. Ils vérifient tout sur mon portable, les messages que j’envoie. Ils vérifient si j’utilise un VPN [un logiciel permettant de contourner la censure officielle sur Internet, NDLR]. La dernière fois, ils ont regardé mes mains pour vérifier si je n’avais pas l’habitude de tenir une arme », explique l’un d’entre eux, conscient des dangers qu’il court, mais convaincu que la cause est plus grande que son sacrifice. Une conscience que partage sœur He, religieuse autrefois basée en Italie, qui a décidé de revenir au chevet de son pays au cœur de la répression sanglante, en 2022.

En une phrase, sans trembler, mais habitée par la gravité de ses mots, elle résume son engagement aux côtés des victimes civiles innocentes : « Je ne les sauverai peut-être pas, mais au moins je souffrirai avec eux ». Dans le silence qui suit cette déclaration pleine de fierté, on croirait presque entendre résonner le chant des orphelins de Taunggyi :

 

 

Un jour, nous serons tous libres !

Enfants birmans se protégeant d’attaques aériennes

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Guillaume Mariau
Guillaume Mariau Directeur communication et développement des ressources