Agnies : « La rencontre qui a fait basculer ma vie »

À l’âge de 11 ans, Agnies est devenue une working student. Après l’école, elle nettoyais la maison contre logement. Aujourd’hui, c’est une professeur épanouie et une maman heureuse de quatre enfants que nous avons rencontré sur la petite île de Guindacpan aux Philippines.

Imaginez-vous embarquer sur un bateau léger depuis le port de Bohol…

La mer est déchaînée, la pluie battante, et le bruit des moteurs assourdissant. Une heure plus tard, on accoste enfin sur une toute petite île surchargée d’habitations en tôle… Bienvenue à Guindacpan !

Les enfants n’ont pas école. Ils jouent les pieds nus dans les ruelles inondées. Ici, pas de touristes. Le temps s’arrête… Nous sommes invités à déjeuner chez Agnies, professeur à l’école primaire, est ancienne filleule Enfants du Mékong. Sa maison est grande, propre, lumineuse et le poisson délicieux ! Agnies a quatre enfants, qui nous observent intrigués. Heureuse et épanouie, elle nous partage son histoire, celle d’une opportunité fugace qu’elle a su saisir, et d’une audace qui a changé sa vie.

Propos recueillis pas Victoire Bureau

Agnies, alumni Enfants du Mékong, sur l’île de Guindacpan

Agnies : Ma maman nous a quitté quand j’avais 5 ans, et ce sont mes grands-parents qui m’ont envoyé à l’école. Mon grand-père et grand-mère m’aimaient profondément, et prenaient soin de mes frères et sœurs et de moi.

Comme beaucoup d’enfants aux Philippines, Agnies est abandonnée par sa mère à l’âge de 5 ans. Ses grands-parents l’aiment tendrement, mais la petite fille sait pertinemment que cet amour ne sera pas suffisant pour lui permettre d’accomplir ses rêves.

« Mes grand-parents étaient très pauvres et n’avaient pas assez d’argent pour financer ma scolarité. Sur l’île de GuindacPan, il n’y a qu’une école maternelle. Ensuite, il faut aller sur le continent. Les uniformes, le matériel scolaire, les transports, le logement et les repas… tout cela coûte trop cher. En grande section, ma grand-mère m’a envoyé sur l’île voisine, Calituban. À l’âge de 11 ans, pour payer l’école, je suis devenue une working student : j’étais bonne pour une famille qui m’hébergeait et me nourrissait en contrepartie. Après les cours, je nettoiyais la maison. Ensuite, j’ai été au collège de Bohol, sur le continent, et j’ai obtenu mon bac. Pendant tout ce temps, je faisait des petits boulot pour financer ma scolarité. »

Agnès désire de tout son cœur poursuivre ses études, mais quand son collège se termine, elle sais qu’elle ne pourra pas étudier. Elle part à Cebu City pour travailler.

« Je suis partie à Cebu City pour travailler. Je fabriquais des chips de banane et d’autres choses que je vendais dans la rue pour gagner de l’argent. Un jour, j’ai entendu parler d’une religieuse, Sister Helen (ndlr : une responsable de programme historique d’Enfants du Mékong, avec laquelle nous avons travaillé pendant 20 ans) qui recrute des jeunes de familles pauvres à Guindacpan pour les parrainer.

La jeune fille saute sur l’occasion et démissionne. Elle regagne Guindacpan, son île natale, et emporte son diplôme soigneusement glissé dans une enveloppe. Elle veut postuler comme scholar Enfants du Mékong.

« Mais lorsque je suis arrivée à Guindacpan, les sœurs sont déjà parties. Ma chance était passée. Alors, j’ai décidé de postuler pour un travail de vendeuse dans un supermarché Alturas à Bohol. Ma grand-mère m’a accompagné. Après mon entretien, on a regagné le port pour rentrer à Guindacpan… Je n’en croyais pas mes yeux. Sister Helen étais sur le port, et partageait un repas avec les filleuls Enfants du Mékong. Je me suis tournée vers ma grand-mère et j’ai dit : « Grand-mère, je veux étudier, peut-être que Sister Helen m’écoutera… ».

L’émotion est palpable et les yeux d’Agnès embués lorsqu’elle se remémore sa joie ce jour-la.

J’ai couru vers Sister Helen. Elle m’a écouté attentivement et m’a demandé si j’avais mes diplômes. Je revenais de mon entretien, et je les avais dans mon enveloppe, précieusement serrée contre mon cœur. Sister Helen a passé un appel, puis elle m’a sourit et m’a dit « OK, allons y pour l’université ! Tu peux étudier ! ». J’était très très heureuse. J’ai étudié fort pour réaliser mes rêves. Je suis vraiment reconnaissante car sans ce programme, je ne serais pas professeur aujourd’hui. C’est une sœur de Sister Helen qui m’a parrainé, « Ma’am Mathilde », et nous sommes encore en contact ! Je recevais beaucoup de lettre quand j’étais parrainée. Je lui ai demandé de venir me voir ici, à GuindacPan, pour voir ma grand-mère, qui était très vieille et malade. Elle n’a pas pu se déplacer, mais sa fille Ingrid est venue jusqu’ici à Guindacpan, pour nous rencontrer. »

À 11 ans, je suis devenue une working student pour payer l’école. Après l’école, je nettoyais la maison.

Aujourd’hui, Agnès est une épouse, une mère et une professeur épanouie. Elle assiste Ate Ana Maria, notre responsable de parrainage. Ses grands-parents ne sont plus en vie mais elle conclue ainsi ce beau témoignage : « J’aurais aimé que ma grand-mère voit ce que je suis devenue. Elle serait fière ».

C’est une sœur de Sister Hélène qui m’a parrainé, «Ma’am Mathilde» nous sommes encore en contact et sa fille Ingrid est venue me voir ici, à Guindacpan.

J’aurais aimé que ma grand-mère voit ce que je suis devenue, elle serait fière.

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